SYNDICAT FORCE OUVRIÈRE

DE LA VILLE, DU C.C.A.S  ET DE LA COMMUNAUTÉ URBAINE DE GRAND POITIERS

 

   
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Vers un « Gouvernement économique européen » ?

 

Le 2 juin, la ministre de l’Économie indiquait : « Ma conviction personnelle, c’est qu’au sein de la zone euro on doit avoir évidemment un mécanisme […] de gouvernance économique ancré […] qui nous permette d’être une véritable zone économique et monétaire […] avec des travaux étroits qui nécessitent le niveau approprié décisionnel » / « Pour qu’une zone monétaire soit efficace, il faut qu’elle soit dotée d’une politique économique coordonnée, il faut qu’elle soit dotée des instances qui permettent la mise en œuvre et le respect de ces politiques et par conséquent il faut un niveau décisionnel approprié ».

 

La ministre reprenait là une proposition du président de la République visant à constituer un forum des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro doté d’un secrétariat et exerçant le rôle d’un gouvernement économique.

 

Ce gouvernement économique européen est précisément le thème de réflexion confié à un groupe de travail européen présidé par le président du Conseil Hermann Von Rompuy. Ce dernier doit rendre ses travaux en octobre 2010.

 

Le Sénat s’est également auto-saisi du sujet et a invité la cgt-FO à un échange le 24 juin dernier, sous la présidence de Pierre-Bernard Reymond, sénateur de la majorité, auquel a également pris part Richard Yung, sénateur socialiste. Notre délégation pour la cgt-FO était composée de Pascal Pavageau, secrétaire confédéral, de Philippe Guimard et Sébastien Dupuch, assistants confédéraux. Un rapport sénatorial sera présenté en septembre sur le sujet.

 

Cet échange arrive un peu à contre temps. En effet, le président de la République et la chancelière allemande sont parvenus à « un accord" le 14 juin qui marque un recul de la France sur ses positions. Alors qu’elle défendait la tenue de réunions régulières des chefs d’Etat et de gouvernements de la zone euro et même l’instauration d’un secrétariat permanent, afin de coordonner les politiques budgétaires et défendre la monnaie unique, l’accord porte uniquement sur un durcissement des règles à 7l’encontre des pays qui feraient du déficit budgétaire (avec la suspension des droits de vote au Conseil). L’Europe des sanctions en sorte, beau projet économique et social !

 

Les conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010 confirment ces orientations. Alors que le texte annonce rien moins qu’une « nouvelle stratégie européenne pour l’emploi et la croissance », l’examen des différents points montre que rien ne change (voir encadré). La stratégie UE 2020 (voir circulaire 2010-18 du secteur Europe/international du 20 janvier 2010) est adoptée. Les Etats « accélèrent les mesures d’assainissement budgétaire », veulent « combler les lacunes en matière de règlementation et de surveillance des marchés financiers » et s’accordent sur « la nécessité urgente de renforcer la coordination des politiques économiques ».

 

Encadré : les conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010[1] en bref

 

Les points 1 et 2 donnent la priorité à la « viabilité des finances publiques » : « Plusieurs États membres ont récemment renforcé le processus d'assainissement budgétaire et lui ont conféré un caractère prioritaire. Tous les États membres sont prêts, s'il y a lieu, à prendre des mesures supplémentaires pour accélérer l'assainissement budgétaire. Il convient d'accorder la priorité aux stratégies d'assainissement budgétaire favorisant la croissance et principalement centrées sur la limitation des dépenses. » (p.2)

 

Le point 3 rappelle les cinq grands objectifs de l’UE (augmenter les taux d’emploi, améliorer les conditions de la R&D, réduire les émissions de GES, améliorer les niveaux d’éducation, favoriser l’inclusion sociale). L’annexe 1 établit des objectifs chiffrés. Le point 4 renvoie aux Etats-membres la mise en œuvre de ces objectifs.

 

Le point 5 rappelle le rôle des politiques communes (PAC et politique de cohésion) dans cette stratégie UE 2020. Le point 6 appelle « le marché intérieur européen à franchir un nouveau cap ». Le rapport Monti présenté en mai en est le point de départ, la Commission va formuler des propositions de mesures et le Conseil de décembre 2010 se saisir de la question. Le point 7 évoque un marché intérieur numérique pour 2015

 

La gouvernance économique vient au point 9 : « Il est essentiel et urgent de renforcer la coordination de nos politiques économiques. ». Le point 10 rappelle qu’un groupe de travail planche sur le sujet et a déjà remis un rapport d’étape. Le Conseil convient d’un premier ensemble d’orientations

-          mettre en œuvre intégralement les règles actuelles en matière de discipline budgétaire (point 11) : renforcement du pacte de stabilité et de croissance (PSC)

-          mettre au point un tableau de bord sur la compétitivité (point 12)

 

Point 13, le groupe de travail est invité à rendre opérationnelles ces orientations.

 

La réglementation des services financiers est l’objet des points 14 à 16. « Il faut mener à bien d'urgence les réformes nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement et la stabilité du système financier européen. » (point 14). Le point 15 rappelle les différentes propositions législatives en cours, sur la surveillance financière, sur les fonds d’investissement alternatifs, sur les produits dérivés.

 

Point 16 : « Le Conseil européen convient que les États membres devraient instaurer des systèmes de prélèvements et de taxes sur les établissements financiers. » La rédaction fait déjà état d’une exception : la République Tchèque et se veut prudente : « Ces prélèvements et taxes devraient s'inscrire dans un cadre de résolution crédible. Il est urgent de poursuivre les travaux sur leurs principales caractéristiques et d'examiner avec attention la question des moyens propres à assurer que les règles du jeu seront les mêmes pour tous ainsi que celle de l'effet cumulatif des différentes mesures de réglementation. » Une échéance : octobre 2010.

 

Points 17 et 18 : G20. L’UE souhaiterait qu’au plan international, des mesures soient prises pour l’assainissement budgétaire, la compétitivité, la réforme du secteur financier. Est évoquée la taxation des établissements financiers et la TTF, sur laquelle « il conviendrait de réfléchir ». (point 17). Retour une nouvelle fois sur la « viabilité des comptes publics » au point 18.

 

Les négociations d’adhésion de l’Islande vont s’ouvrir (points 24 et 25). L’Estonie pourrait adopter l’euro en janvier 2011 (point 26).

 

Pour Force Ouvrière, si l’Europe a certainement besoin de coordination économique, encore faut-il préciser d’abord pour quoi faire et pour répondre à quelles politiques et orientations.

 

Une fois encore, le débat donne le sentiment que la finance dicte ses règles à l’économie et que cette dernière doit « mieux se gouverner » pour s’imposer (avec ses dogmes ultra-libéraux) encore plus aux Etats, à leurs politiques et ainsi aux femmes et aux hommes de l’UE.

 

A supposer qu’une telle gouvernance économique voit le jour, ses politiques et orientations ne devraient pas être prédéterminées ; un gouvernement économique doit viser des objectifs de prospérité économique et de progrès social mais il ne doit pas figer ou graver dans le marbre des instruments de politique économique (c’était d’ailleurs l’un des reproches majeurs adressés au traité constitutionnel comme au traité de Lisbonne). Donner la priorité en permanence à l’équilibre budgétaire (de surcroit en renforçant le pacte de stabilité et de croissance et en durcissant les sanctions) et à la promotion de la compétitivité ne conduira qu’à accélérer les tendances actuelles.

 

Clairement, ce projet de « gouvernance économique européenne » ne consiste pas à rechercher une relance coordonnée de l’activité économique fondée sur des préoccupations sociales, en particulier sur la promotion de l’emploi de qualité, sur le respect des droits internationaux du travail, sur une relance des salaires, sur la recherche d’une plus grande cohésion sociale, etc

 

Au contraire, il n’est question que d’un nouveau cadre de contrôle et de renforcement des politiques d’austérité et de réduction des dépenses publiques dans les pays de la zone : c’est ce que montrent les conclusions du Conseil du 17 juin, reprenant les propositions du président français et de la chancelière allemande :

  • renforcer le pacte de stabilité, en y incluant un mécanisme de sanctions en cas de déficits publics trop importants ;
  • élargir la surveillance aux questions de compétitivité
  • prévoir un cadre pour la résolution des crises.

 

Il ne s’agit donc même pas de mettre en place un « gouvernement économique » de la zone euro permettant de disposer d’une véritable politique budgétaire européenne mais de resserrer encore davantage les budgets publics des Etats, la « surveillance » mutuelle, avec pour doctrines le pacte de stabilité et ses règles arbitraires et dépassées, la concurrence renforcée et la flexibilité réaffirmée (comme le prône le rapport Monti), une nouvelle vague de dérégulation et de déréglementation imposée, la privatisation de missions et de services publics ou encore la confiance aveugle dans les marchés. C’est un appareil de sanctions renforcées qui est proposé ici avec cette « gouvernance économique ».

 

Dans ce cadre, les Etats européens resteraient cantonnés au rôle de pompier en dernier ressort, en cas de nouveaux dérapages des banques et autres opérateurs financiers. En gros, les Etats ne retrouvent leur souveraineté que pour sauver encore et toujours la finance en cas de crises mais doivent se serrer la ceinture le reste du temps en s’interdisant toutes interventions publiques lorsqu’il s’agit d’améliorer la vie de  leurs citoyens.

 

A peine refermées les parenthèses interventionnistes ouvertes sous le coup de la nécessité de la crise, la rigueur s’impose en règle sacrée avec une nouvelle couche de blindage idéologique sur l’édifice européen. Cela n’est pas acceptable.

 

Pour la cgt-FO, s’imposent notamment :

 

  • de nouvelles règles internationales en matière de finance, de monnaie et de commerce. Face à une crise mondiale, la réponse doit aussi être internationale. Ainsi, la cgt-FO revendique des politiques économiques créatrices d’emplois respectant les normes fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Cela exige une politique coordonnée au plan international visant à redistribuer équitablement les richesses produites par les travailleurs et à rééquilibrer sensiblement le partage de la valeur ajoutée en faveur  des salaires. A cet effet, la cgt-FO estime que ces questions essentielles, à l’origine de la crise, telles que la répartition des richesses, la réglementation des activités financières, la  monnaie, le respect indispensable des normes internationales du travail, devront faire l’objet de décisions contraignantes.
  • une révision des modalités actuelles de la construction européenne. L’Union européenne doit changer ses priorités pour adopter une stratégie de progrès social. Cela passe par l’abandon de sa soumission aux principes du libéralisme économique qui ont conduit à la suprématie des marchés financiers dont on subit aujourd’hui les conséquences. La crise a fait exploser le pacte de stabilité qui n’a plus lieu d’être. Comme la Confédération européenne des syndicats (CES) dont elle est membre, la cgt-FO considère qu’il est essentiel d’adopter une clause de progrès social dans le droit primaire et dans les directives afin d’équilibrer la circulation des travailleurs et des services, les droits fondamentaux et les règles de la concurrence.

 

Une « gouvernance économique européenne » n’a de sens que si elle s’inscrit dans un tel cadre. Une gouvernance renforcée, avec ou sans « gouvernement économique », doit assurer un socle commun de règles sociales et viser une convergence vers le haut des conditions économiques, sociales et fiscales et non un nivellement par le bas comme c’est le cas aujourd’hui.

 

L’UE ne peut pas être une simple communauté de sanctions. La croissance, l’emploi, les salaires, de véritables politiques industrielles (par chaque Etat et au niveau européen le cas échéant) doivent devenir de réels objectifs. Il est donc nécessaire de réaffirmer la légitimité de l’intervention publique pour l’industrie, développer des grands projets structurants et de conditionner les aides publiques, indispensables, au maintien et au développement de l’emploi, etc). Enfin, les services publics et l’intervention publique (par exemple par le biais de grands projets) doivent être au cœur du projet européen et occuper une place de choix dans son éventuelle « gouvernance économique ».

 

 

 

 

 Ni neutre ni partisan: Indépendant

 

 

 

 

L'Europe en question(s)

 


[Fiche n°1] - Traité ou Constitution?

 

«Traité établissant une Constitution pour l’Europe»: tel est finalement l’intitulé du texte signé par les chefs d’État et de gouvernement lors de la Conférence intergouvernementale (CIG), le 18 juin 2004.

Nouvel exemple d’oxymore[1], tel que l’a qualifié Jean Claude Mailly, secrétaire général de la CGT Force Ouvrière? Et pour cause: la première des questions est celle de la nature de ce texte.

 

1] Oxymore: n. m. Figure de style qui consiste à placer l’un à côté de l’autre deux mots opposés. On trouve des cas célèbres d’emploi de ce procédé: «Cette obscure clarté» (Corneille, Le Cid), un silence éloquent, un mort-vivant...
Ce procédé permet de créer un paradoxe, une image surprenante (source: www.lettres.net).

 


 

 

Traité ou Constitution?

Est-ce un «traité» de plus, s’insérant dans le processus de la construction européenne, appelé, à l’égal des précédents, et s’il est ratifié, à être ensuite modifié ou remplacé par de nouveaux traités?

Ou bien s’agit-il d’une «Constitution» changeant la nature même des institutions de l’Union européenne et du processus de son évolution?

Cette question fait d’ores et déjà l’objet de débats byzantins entre juristes comme entre politiques. Qu’en retenir?

«Constitution»: une Constitution est généralement considérée comme l’émanation de la souveraineté d’un peuple constitué en État par une volonté commune, celle-ci étant définie comme résultant de la majorité. Elle est la norme juridique suprême de l’État ainsi constitué. Une Constitution est traditionnellement élaborée par une Assemblée constituante, élue à cette fin, et adoptée sous la même forme ou par le recours au suffrage universel. Sa modification éventuelle procède de la même souveraineté du peuple, par voie parlementaire ou par suffrage universel.

«Traité»: selon la Convention de Vienne (1969), qui codifie le droit des traités, «l’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans un ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière».

 

 


 

 

Un traité…

Juridiquement, en regard du droit international public et du droit interne de chaque État, comme les traités précédents, le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» demeure de l’ordre du traité international. Il a été négocié et signé par les représentants des États[1] (dans le cadre de la CIG, à partir du projet issu de la Convention européenne présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing). Il doit être soumis à la ratification «par les Hautes Parties contractantes, conformément à leurs règles constitutionnelles», et n’entrera théoriquement en vigueur qu’après «le dépôt de l’instrument de ratification de l’État signataire qui procédera le dernier à cette formalité» (art. IV-447 [ex-art. 52 du traité sur l’Union européenne et 313 du traité instituant la Communauté européenne]).

Il prévoit aussi que «tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union européenne» (art. I-60). Ce droit de sécession distingue donc ce traité à la fois de la Constitution française, dont l’article 1 proclame l’indivisibilité de la République, et de celle des États-Unis d’Amérique, qui, bien que composés d’États ayant leurs propres Constitutions, sont un État souverain indivisible depuis la guerre de Sécession (chacun des États le composant n’étant pas souverain et donc pas sujet de droit international).

 

[1] Le président de la République en France, selon l’article 52 de la Constitution française.

 


 

 

…ayant vocation à devenir une Constitution?

Par son contenu cependant, et non seulement par son titre, le texte tend symboliquement à se présenter comme une Constitution. On considère en effet généralement qu’une Constitution a pour objet la définition des droits des citoyens, l’organisation du gouvernement pour leur garantie, dont notamment la séparation des pouvoirs[1].

Très long pour une Constitution (448 articles, 36 protocoles et 50 déclarations annexés, alors que la Constitution française comporte 124 articles), le projet comprend un court préambule, quatre parties et des annexes:

I «Définition et objectifs de l’Union»,…
II «La charte des droits fondamentaux de l’Union»
III «Les politiques et le fonctionnement de l’Union», qui est la reprise en les unifiant en un seul texte des traités en vigueur («sur l’Union européenne» et «instituant la Communauté européenne»)
IV «Dispositions générales et finales». Protocoles et déclarations annexés

Il a ainsi vocation à devenir le texte unique, là où, jusqu’à maintenant, plusieurs traités étaient en vigueur. Ainsi, l’article IV-437, «Abrogation des traités antérieurs», prévoit que «le présent traité établissant une Constitution pour l’Europe abroge le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur l’Union européenne», et l’article IV-438 indique que «l’Union européenne établie par le présent traité succède à l’Union européenne instituée par le traité sur l’Union européenne et à la Communauté européenne».

 

[1] L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame:
«Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.»

 


 

 

Des Communautés à l’Union

Si cette présentation se veut fortement symbolique, l’évolution en ce sens n’est pas complètement nouvelle.

Ainsi, un peu plus de dix ans après la signature du traité de Paris fondant la CECA (1951), avait été signé, en 1965, le «traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes». Les chefs d’État et de gouvernement s’affirmaient alors «résolus à progresser dans la voie de l’unité européenne» et «conscients de la contribution que constitue pour cette unification la création d’institutions communautaires uniques».

Dès 1972, les chefs d’État et de gouvernement approuvaient «l’objectif de réalisation progressive de l’Union économique et monétaire (UEM)». C’est en 1986 (signature de l’Acte unique européen) que fut affirmée «la volonté [...] de transformer l’ensemble des relations entre les États en une Union européenne». Mais que l’Union européenne soit associée à l’objectif de l’UEM (rapport Tindemans présenté au Conseil en décembre 1975) a conduit à renforcer la priorité sur les questions économiques.

Alors que les traités de Paris (1951) et de Rome (1957) «instituaient les Communautés européennes», le traité de Maastricht (1992) «sur l’Union européenne» introduisait la notion de «citoyenneté européenne», affirmant en préambule la résolution «à franchir une nouvelle étape dans le processus d’intégration européenne».

 

 

Convention constituante?

Le texte du projet actuel de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» franchit une nouvelle étape.

Sans le dire explicitement et d’une certaine manière après coup, il confère à la Convention européenne, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, le statut d’Assemblée constituante.

Ainsi, dans le préambule, les chefs d’État et de gouvernement signataires se déclarent «reconnaissants aux membres de la Convention européenne d’avoir élaboré le projet de cette Constitution au nom des citoyennes et des citoyens et des États d’Europe».

Or, si les chefs d’État ou de gouvernement ont bien décidé du mandat et de la composition (Conseil de Laeken, 14-15 décembre 2001) de la Convention[1], les citoyens n’ont pas été directement appelés à élire, ni même à donner leur avis, tant sur ce mandat que sur la composition de cette Convention.

Peut-on se satisfaire de la mise en place, dans le cadre de la Convention, d’un «forum [...] ouvert aux organisations représentant la société civile (partenaires sociaux, milieux économiques, organisations non gouvernementales, milieux académiques, etc.)» pour que le projet de traité puisse affirmer «la présente Constitution [...] inspirée par la volonté des citoyennes et des citoyens et des États d’Europe»?

 

[1] Le Secrétaire général de la CES (Confédération européenne des syndicats), Emilio Gabaglio, était, comme le président de l’UNICE (Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe) et celui du CEEP (Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général), observateur au sein de la Convention. Le Forum, quant à lui, était ouvert aux organisations souhaitant déposer des contributions (certaines fédérations syndicales européennes ainsi que le Comité Jeunes de la CES, ou encore la CGT en France, en faisaient partie).

 


 

 

Citoyenneté européenne?

En l’état, le projet de traité superpose la «citoyenneté européenne» à la citoyenneté nationale. Ainsi, l’article I-10 définissant la «citoyenneté de l’Union» reprend la rédaction antérieure en déclarant que «la citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas».

Cela étant, plusieurs articles font référence à la «citoyenneté européenne». La définition de leurs droits et devoirs fait l’objet de l’article I-10 (droit de circulation et de séjour, droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen et aux élections municipales, droit de protection des autorités diplomatiques et consulaires dans les pays tiers, droits de pétition, de recours au médiateur...) et de la partie II (Charte des droits fondamentaux de l’Union), tandis que le fonctionnement de «la vie démocratique» fait l’objet du titre VI (art. I-45 à I-52).

 

 


 

 

De pas en pas…

Ce projet s’insère manifestement dans un processus mis en œuvre de façon continue, reposant sur ce que l’on appelle «l’approche fonctionnaliste» qui théorise la méthode pragmatique chère à Jean Monnet et exprimée par la célèbre déclaration Schuman: «L’Europe ne se fera pas d’un coup et dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait.» Cela peut aussi se traduire par «la mise devant le fait accompli»! Et, tout en ayant encore la nature juridique d’un traité international, on peut penser que ce projet contient, dans sa forme et son contenu, les éléments qui peuvent conduire à terme à ce qu’il se transmute, de fait, en un texte ayant juridiquement valeur de Constitution d’un État.

Personnalité juridique

Outre son appellation volontairement symbolique - «établissant une Constitution pour l’Europe» -, ce projet de traité confère la personnalité juridique à l’Union (art. I-7).

Cela conduit à la rendre sujet de droit international, mais pas encore comme État. L’Union européenne ne pourrait ainsi pas, pour l’heure, adhérer de ce seul fait à l’ONU (Organisation des Nations unies) ni à l’OIT (Organisation internationale du travail), mais y a, comme organisation de droit international public, un statut d’observateur sans droit de vote.

On peut cependant, là aussi, penser que cela s’inscrit dans la même démarche évolutive. En effet, si la personnalité juridique n’est pas nouvelle, elle n’était conférée initialement qu’à la Communauté économique européenne, puis à la Communauté européenne (ex-art. 281 de la version consolidée du traité instituant la Communauté européenne) –à ce titre membre de l’Organisation mondiale du commerce– mais pas encore à l’Union européenne.

L’Union européenne, affirmée par le traité de Maastricht, affichait cependant comme objectif «d’affirmer son identité sur la scène internationale» (ex-art. 2 de la version consolidée du traité de l’Union européenne). En plaçant ainsi, en tête du projet actuel de traité, la personnalité juridique, s’agit-il d’aller à lui conférer une dimension politique à l’égale de celle d’un État?

De l’unanimité à la majorité

La nature juridique de traité international est attachée au fait qu’il demeure soumis à l’accord de chaque État, qui reste libre d’y adhérer et de s’en retirer, et donc d’adhérer ou non à une éventuelle modification à venir. Cette nature juridique apparaît donc liée notamment à l’unanimité requise, et non seulement à la majorité, pour toute évolution du texte.

Tel semble rester le cas. Ainsi, l’article IV-443 prévoit qu’en dernier ressort (après la convocation éventuelle d’une Convention telle que celle qui a élaboré le projet actuel), «une conférence des représentants des gouvernements des États membres est convoquée [...] en vue d’arrêter d’un commun accord les modifications à apporter au présent traité» et «les amendements entrent en vigueur après avoir été ratifiés par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives».

Toutefois, le projet de traité introduit un article IV-444, «Procédure de révision simplifiée», qui prévoit une modalité de révision dite «passerelle», permettant au Conseil (qui réunit les chefs d’État et de gouvernement) «d’adopter une décision européenne l’autorisant à statuer à la majorité» dans les domaines ou les cas de la partie III où l’unanimité est normalement prévue (à l’exception toutefois des décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense).

Il y a donc en germe l’élargissement possible, en principe, du champ du vote à la majorité, permettant de modifier à l’avenir le traité, qui, ainsi, même partiellement, s’approcherait un peu plus du statut d’une Constitution. Par exemple, la Constitution française prévoit (art. 89) que sa révision doit recueillir soit un vote majoritaire par référendum, soit un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Parlement réuni en congrès.

 

 


 

 

Un processus inexorable sans débat?

D’une certaine manière, la qualificatif d’oxymore prend tout son sens, si l’on retient qu’il s’agit par l’apposition de deux mots opposés de créer une image surprenante: en s’inscrivant manifestement dans le processus «fonctionnaliste», le projet de traité pourrait de fait (est-ce l’objectif visé?) conduire à ce que les peuples des différents États de l’Union se trouvent à terme, et d’une certaine manière par surprise, constitués en un peuple de l’État «Union européenne» doté de sa Constitution!

On peut d’ailleurs penser que l’éventualité, un temps envisagée, d’une ratification simultanée (le même jour) dans tous les États, a fortiori par référendum, serait un pas symbolique supplémentaire en ce sens, bien que les peuples concernés n’aient pas été invités a priori à débattre de l’opportunité et du mandat et à former eux-mêmes l’Assemblée constituante ayant préparé le projet d’une éventuelle Constitution.

Si telle est l’évolution, l’une des questions posée est celle de la compatibilité et de la prééminence vis-à-vis des Constitutions des États. Dans tous les cas, se pose d’ores et déjà, de manière constante et, dans certains cas, nouvelle, celle de la prééminence et de la compatibilité des droits, dispositions législatives, réglementaires et contractuelles, notamment en matière sociale.

Le mode opératoire du processus de la construction européenne qui a prévalu jusqu’alors, dans lequel s’inscrit aujourd’hui le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe», justifie pleinement la réaction du Secrétaire général de la CGT-Force Ouvrière à l’annonce du président de la République, le 14 juillet 2004: «S’agissant de l’Europe, le référendum doit être l’occasion d’un débat sur les modalités de sa construction, débat qui n’a réellement jamais eu lieu, y compris sur la nature prééminente et contraignante du pacte de stabilité et de croissance.»

 

 


[Fiche n°2] - Primauté Constitutionnelle?

 

 

Le projet de traité étant présenté comme conduisant à l’établissement d’une «Constitution», la question de la prééminence des droits qui seraient finalement garantis aux citoyens, selon qu’ils sont considérés comme «européens» ou «nationaux», est posée de manière générale quelle que soit la source de ces droits (constitutionnelle, législative, réglementaire ou contractuelle).

 

 


 

 

Quelle primauté?

L’article I-6 du projet actuel, intitulé «Le droit de l’Union», semble on ne peut plus clair: «La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres.»

On notera en premier lieu que, par raccourci linguistique, le texte ne fait plus référence à ce qu’il est: «un traité établissant une Constitution», mais à «la Constitution».

On ne trouvait pas dans les traités précédents d’article ni de formulation d’une portée aussi générale.

De la primauté du droit international sur la loi nationale…

L’article 55 de la Constitution française prévoit déjà que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie». Cet article prévoit donc le principe de la primauté du droit découlant d’un traité international sur la loi nationale.

À cela s’ajoutent les articles plus récents de la Constitution française, modifiée dans le cadre de la ratification notamment du traité de Maastricht puis d’Amsterdam[1] ainsi qu’une décision récente du Conseil constitutionnel (n°2004-496 DC du 10 juin 2004, «loi pour la confiance dans l’économie numérique»). Cette dernière souligne: «La transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution; qu’en l’absence d’une telle disposition, il n’appartient qu’au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du traité sur l’Union européenne.»

… au régime du droit communautaire…

Le principe de primauté du droit communautaire sur le droit national, dans le cadre des compétences attribuées à la Communauté européenne, avait déjà, à plusieurs reprises, été affirmé par la Cour de justice européenne, notamment dans deux arrêts dès 1963 et 1964 (arrêts Van Gend & Los et Costa contre Enel[2]). Cette décision du Conseil constitutionnel tend d’une certaine façon à conforter la primauté du droit et de l’ordre juridique communautaires, considérant que c’est la Constitution française elle-même désormais qui rend obligatoire la transposition en droit français d’une directive. Selon cette décision, tant que l’acte (loi ou décret français notamment) de transposition se limite au contenu de la directive, cet acte est assimilable à la directive et son contrôle relève de la prérogative de la CJCE (Cour de justice de la Communauté européenne) et non du Conseil constitutionnel.

Mais le droit constitutionnel français demeure jusqu’alors prééminent, puisqu’il peut être fait obstacle à la transposition d’une directive en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution.

à la révision constitutionnelle

Il appartenait au Conseil constitutionnel, saisi le 29 octobre –jour de la signature officielle à Rome du projet de traité– par le président de la République, d’exposer sur quels points une révision de la Constitution serait nécessaire avant la ratification éventuelle du projet actuel de traité. Les conclusions du Conseil constitutionnel ont été données début décembre et ont conduit à une nouvelle révision de la Constitution française (vote du Parlement réuni en Congrès le 28 février de la Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution).

Ainsi, l’article 54 de la Constitution française prévoit que «si le Conseil constitutionnel [...] a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution».

C’est en application de cet article qu’a déjà été modifiée la Constitution française à quatre reprises par rapport à la construction européenne (loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 pour la ratification du traité de Maastricht, loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d’asile, loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 avant la ratification du traité d’Amsterdam, loi constitutionnelle n°2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen).

Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, déclarait à propos de la révision éventuelle de la Constitution que celle ci «n’est pas technique comme d’autres le furent [mais] soulève des débats de fond, par exemple sur la primauté du droit européen sur le droit national» (Le Figaro, 20 octobre 2004). Ce commentaire et l’article I-6 tel que rédigé, en donnant une apparence de primauté «constitutionnelle», associé à d’autres dispositions du projet de traité, donnent déjà lieu à débat.

 

[1] Titre XV - Des Communautés européennes et de l’Union européenne
Art. 88-1. -
La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences.
Art. 88-2. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne.
Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.
La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du traité sur l’Union européenne.
Art. 88-3. - Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées détermine les conditions d’application du présent article.
Art. 88-4. - Le gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.
Selon les modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

[2] Dans le premier de ces deux arrêts, la CJCE déclare notamment que «la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants» et dans le deuxième que «le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains...».

 


 

 

La France peut-elle demeurer une République…

Cela laisse entendre que ce n’est plus simplement le droit résultant des lois mais y compris le droit constitutionnel qui pourrait être directement en cause, et, parmi les questions d’ores et déjà soulevées sur la compatibilité entre le projet de traité et la Constitution française, figurent la laïcité et l’indivisibilité de la République.

Sur l’indivisibilité

Le débat porte notamment sur l’article I-2[1] du projet de traité qui proclame que «l’Union est fondée sur les valeurs de respect [...] y compris des droits des personnes appartenant à des minorités». L’une des questions posées est de savoir si cela conduit à une obligation de reconnaissance d’un statut de telle ou telle communauté et, dans ce cas, si cela est compatible avec le principe d’indivisibilité de la République (article 1 de la Constitution française[2]).

Sur la laïcité

La question de la référence à «l’héritage chrétien», revendiquée par certains États (Pologne, Italie), d’ailleurs remerciés pour cela par le pape (cf. discours du pape Jean-Paul II au président de la République de Pologne, 18 mai 2004), a finalement été conclue par la mention, au premier alinéa[3] du préambule du projet de traité, des «héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe».

S’y ajoute l’article II-70[4], issu de la Charte des droits fondamentaux, qui instaure «la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites». La question ici posée est de savoir si cette liberté ainsi exprimée est compatible avec la nature laïque de la République (article 1 de la Constitution française), associée à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui garantit que «nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public».

Le débat sur la laïcité est également alimenté par l’article I-52 du projet de traité, «Statut des Églises et des organisations non confessionnelles[5]», en relation avec celui, en France, sur la loi de «séparation de l’Église et de l’État» de 1905.

Traité ou «Constitution», le projet actuel poursuit un processus de transfert de compétences des États vers les institutions de l’Union européenne, dotée d’un ordre juridique propre tendant à s’imposer aux autorités nationales. En tout état de cause, le champ de compétences de la Cour de justice européenne tend à s’élargir, conduisant au développement d’une jurisprudence volumineuse et complexe, le dernier mot risquant de revenir de plus en plus aux juges européens.
Le champ et l’organisation des compétences transférées, la formation du droit européen, les politiques économiques et sociales, le rôle et l’action syndicale, entre le niveau européen et le niveau national, tels qu’inscrits dans le projet de traité sont autant de questions ajoutant au débat.

[1] Article I-2 - «Les valeurs de l’Union»: L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.

[2] «La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.»
(Article 1 de la Constitution de 1958 tel que modifié le 17 mars 2003.)

[3] «S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’état de droit.»

[4] ARTICLE II-70 - «Liberté de pensée, de conscience et de religion»:
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

[5] Article I-52 - «Statut des Églises et des organisations non confessionnelles»:
1. L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. 2. L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles. 3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Églises et organisations.

 


[Fiche n°3] - SIEG: la contrainte de la Concurrence

 

 


 

 

Service Public: 1 – Concurrence: 27

L’une des critiques à propos du projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» est que, se présentant comme une «Constitution», il comporte, outre la définition des droits et l’organisation des institutions destinées à en garantir la mise en œuvre, la définition précise des politiques économiques et sociales. Celle-ci constitue d’ailleurs la partie la plus volumineuse du texte (partie III), avec 321 articles (qui sont la reprise des articles du traité actuellement en vigueur instituant la Communauté européenne), sur un total de 448 articles (compte non tenu des déclarations et protocoles annexés).

L’égalité et la solidarité étant affirmées au titre des valeurs de l’Union (art. I-2), et le texte étant aussi détaillé en matière de politiques mises en œuvre, la place faite au service public, comme instrument permettant la mise en œuvre de l’égalité et de la solidarité, est bien sûr une question posée.

Or, premier constat, le terme même n’apparaît qu’une fois, dans la section consacrée aux politiques dans le domaine des transports (art. III-238), quand les questions relatives à la libre concurrence amènent à citer explicitement celle-ci vingt-sept fois!

On objectera que la terminologie européenne pour service public est celle de «service d’intérêt général». Mais même ce terme est absent du texte. On ne trouve que la notion de «service d’intérêt économique général» ou SIEG.

 

 


 

 

Vers une reconnaissance juridique des SIEG?

Depuis le début des années 1980, l’objectif de réalisation du «grand marché intérieur» a conduit, secteur par secteur, à la mise en cause, au nom de la libre concurrence, des structures publiques (entreprises, établissements et administrations publiques), notamment dans les télécommunications, les transports et l’énergie.

Un projet actuel de directive sur les services dans le marché intérieur, dite «Bolkestein», conduirait à la «libéralisation» de l’ensemble des services.

Face à ces politiques dites de «libéralisation», la revendication d’une reconnaissance juridique au niveau européen des services publics ou services d’intérêt général a vu le jour. Malgré un livre vert puis un livre blanc de la Commission sur cette question, cette reconnaissance n’existe actuellement pas.

La CGT-Force Ouvrière est, quant à elle, demeurée sceptique quant aux conséquences d’une éventuelle directive en ce sens, craignant qu’elle ne fixe un cadre juridique minimal contraignant dont l’effet serait finalement plus dangereux que positif.

Certains commentateurs du projet actuel de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» mettent en avant, comme un progrès par rapport aux traités en vigueur, qu’il conduirait à la reconnaissance juridique des SIEG. Qu’en est-il?

 

 


 

 

Premier constat

Si l’égalité et la solidarité font partie des valeurs que l’Union «a pour but de promouvoir», l’objectif numéro 2 (art. I-3) est celui d’offrir «un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée». Les services d’intérêt économique général, absents de cette partie I, ne sont mentionnés que dans la partie II (Charte des droits fondamentaux de l’Union) et la partie III.

 

 


 

 

Pas de droit nouveau!

L’article II-96, «Accès aux services d’intérêt économique général», indique que «l’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union».

On pourrait penser, à ce niveau, que cela conduit à préserver l’existant au plan national (sous réserve cependant de s’accorder sur la notion de SIEG). Cela étant, le texte de l’article lui-même prend soin de rappeler la nécessité de demeurer conforme à «la Constitution».

Mais, en outre, comme l’ensemble des articles de cette partie II, celui-ci fait l’objet d’une explication contenue dans la «déclaration concernant les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux» annexée au projet de traité. Or, celle-ci indique: «Cet article est pleinement conforme à l’article III-122 de la Constitution et ne crée pas de droit nouveau. Il pose seulement le principe du respect par l’Union de l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les dispositions nationales, dès lors que ces dispositions sont compatibles avec le droit de l’Union

 

 


 

 

Sans préjudice…

L’article III-122 est la reprise de l’article 16 du traité actuel instituant la Communauté européenne (traité CE), avec deux modifications cependant. Il est ainsi rédigé: «Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l’Union et les États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.»

De valeur commune à valeurs

On notera, en premier lieu, que cet article, qui comme beaucoup d’autres ne brille pas par sa limpidité, dit désormais des services d’intérêt économique général: «en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur» au lieu de «parmi les valeurs communes de l’Union» (art. 16 actuel du traité CE). Cela peut à ce niveau paraître secondaire, mais ils n’apparaissent plus comme valeur commune mais comme une valeur qui peut donc différer d’un endroit à l’autre. Cela est certes le constat d’une réalité, mais n’affiche pas un très grand volontarisme pour l’avenir.

 

 


 

 

… un cadre juridique sous contrainte…

La deuxième modification importante consiste en l’ajout de la dernière phrase. Elle apparaît en effet comme portant l’obligation de la définition d’un cadre juridique (loi européenne).

La question est ici, bien sûr, celle de la marge envisageable pour ce cadre juridique face à la contrainte du primat de principe de la «libre concurrence». Alors que la libéralisation est déjà mise en œuvre dans nombre de secteurs relevant de la notion de SIEG, l’affirmation générale que la reconnaissance des SIEG «ne crée pas de droit nouveau» prend son sens en particulier avec le «sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238».

Certes, l’article III-166 (qui, il faut le rappeler, est déjà en vigueur comme article 86 du traité CE) tend à prévoir la possibilité de déroger aux règles de la concurrence : «Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence, dans la mesure où l’application de ces dispositions ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.»

Mais ce même article III-166 commence aussi par affirmer que «les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment à l’article I-4, paragraphe 2, et aux articles III-161 à III-169». Si l’article I-4 concerne la non-discrimination fondée sur la nationalité, les articles III-161 à III-169 sont ceux de la section 5 du chapitre I de la partie III consacrée aux «règles de la concurrence» (ces articles correspondent aux articles actuels 81 à 89 du traité CE).

L’article III-167, doublement cité (directement dans l’article III-122 et indirectement dans cet article III-166), édicte que «sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Il énumère cependant certaines dérogations où les aides sont considérées comme compatibles: «aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels [...] aides en cas de calamité naturelle [...] aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi [...] aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun, et autres catégories d’aides déterminées par des règlements ou décisions européens adoptés par le Conseil sur proposition de la Commission».

 

 


 

 

… de la concurrence libre et non faussée

Enfin, l’article I-5, auquel la reconnaissance des SIEG ne doit pas non plus porter préjudice, concerne les «relations entre l’Union et les États membres» et se conclut par: «Les États membres [...] s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union.» Or, encore une fois, parmi ces objectifs figure en deuxième position celui de la libre concurrence, mais ne figure pas l’égal accès aux services publics ni même aux SIEG.

Quant à l’article III-238, il est le seul où le terme «service public» est utilisé. S’il indique que «sont compatibles avec la Constitution les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public», il n’a pas empêché, en tant qu’article 73 du traité CE en vigueur, la libéralisation des transports qui s’est accompagnée de privatisations dans certains secteurs (aérien notamment).

 

 


 

 

SIEG et Services

Cependant, force est aussi de constater que le cadre juridique européen pour les SIEG n’est pas encore esquissé que la Commission a déjà pris l’initiative d’une proposition de directive définissant le cadre juridique de la «libéralisation» des services en général (proposition[1] de directive relative aux services dans le marché intérieur, dite «Bolkestein»). Or, cette directive, très générale, concerne explicitement les SIEG et au-delà (y compris dans le secteur de la santé). Contestée par nombre de confédérations syndicales en Europe, car à la fois porteuse de dumping généralisé dans les domaines social, fiscal et environnemental, cette directive toucherait nombre de services relevant en France du service public (cf. «Circulaire confédérale» n° 54/04 du 1er avril 2004 et suite). Si elle devait être adoptée, elle réduirait de fait, elle-même, la place laissée aux SIEG!

 

[1] Cette proposition de directive est fondée sur les dispositions du traité CE concernant le «droit d’établissement» (art. 43 à 48 du traité CE, repris dans le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe aux art. III-137 à III-143 sous l’intitulé «Liberté d’établissement») et les «services» (art. 49 à 55 du traité CE, repris également dans le projet de traité aux art. III-144 à III-150 sous l’intitulé «Liberté de prestation de services»).

 


 

 

SIEG et Dépense publique

Enfin, et en dernier ressort ou comme dernier gardien du temple de l’économie libérale, s’ajoute la contrainte liée au pacte de stabilité et de croissance, partie intégrante du projet de traité, dont le «protocole sur la procédure concernant les déficits publics» vise la limitation et la réduction des dépenses des États, collectivités territoriales et de sécurité sociale, autrement dit des moyens de financement du service public.

 

 


[Fiche n°4] - Stabilité des prix, libre concurrence, Pacte de stabilité et de croissance

 

 

Le 17 septembre 2004, dans la résolution adoptée à l’unanimité, le Comité confédéral national (CCN) de FO estimait que «l’on ne peut réellement mettre en avant la question sociale sans réviser fondamentalement le pacte de stabilité et de croissance, sans poser la question des conditions et du contenu de l’indépendance de la Banque centrale européenne, et sans donner une priorité au service public et à la protection sociale collective sur la concurrence».

Le CCN de FO soulignait «qu’une question importante est celle de la nature du texte, qui tend à graver dans le marbre la nature économique libérale et restrictive et à constitutionnaliser la politique de privatisation et de déréglementation».

Un débat a lieu actuellement sur la révision du pacte de stabilité et de croissance et des procédures qui y sont associées. Qu’en est-il exactement dans le cadre du projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe»?

 

 


 

 

Politique monétaire: au service de la stabilité des prix et de la libre concurrence

Une critique fréquente du projet de traité, du fait de son affichage «constitutionnel», est qu’il contient de manière précise la définition des politiques économiques, reprise pour l’essentiel des dispositions des traités en vigueur, limitant de fait (un peu plus?) à l’avenir la possibilité pour les gouvernements de les adapter en fonction d’autres priorités, notamment de relance économique ou sociales, et de la conjoncture.

«La nature prééminente et contraignante de l’économique comme moteur de la construction européenne», soulignée par le CCN de FO, et l’inspiration libérale des politiques économiques définies dans le projet de traité sont à la fois présentes dès ses premiers articles et confortées dans sa troisième partie.

La politique monétaire est centralisée entre les mains du Système européen de banques centrales (Banque centrale européenne [BCE] et banques centrales nationales) (article I-30). Il s’agit d’un domaine de compétence exclusive de l’Union (article I-13) et, à ce titre, le projet de traité confirme avec insistance l’indépendance du Système européen de banques centrales vis-à-vis des gouvernements notamment (articles I-30 et III-188 qui lui est entièrement consacré).

 

 

 

Stabilité des prix et/ou économie sociale de marché?

À deux reprises, et dans les mêmes termes (article I-30 et article III-185), le projet de traité réaffirme: «1. L’objectif principal du Système européen de banques centrales est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, le Système européen de banques centrales apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, pour contribuer à la réalisation des objectifs de celle-ci, tels que définis à l’article I-3.» Le renvoi à l’article I-3 («les objectifs de l’Union») amène à rappeler que, s’il est celui qui mentionne que l’Union œuvre pour «une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social», il lui a été ajouté au dernier moment (lors de la CIG du 18 juin 2004) et, dans l’ordre, avant ce qui vient d’être cité, «la stabilité des prix».

Cela conduit à la question suivante: donner un tel rang à l’objectif de stabilité des prix, est-il compatible avec celui d’une «économie sociale» quand on sait que cet objectif de «stabilité des prix» a souvent servi de prétexte pour imposer la modération salariale, avec les conséquences que l’on mesure sur le plan de la consommation et par voie de conséquence sur la croissance économique, l’emploi et le financement de la protection sociale?

 

 


 

 

Libre Concurrence, libre concurrence , …

Enfin, on ne peut que souligner que l’article I-3 pose aussi comme objectif numéro 2, avant celui d’une économie sociale de marché, celui d’offrir «un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée», ce qui relève de la théorie non de la pratique. En outre, le premier alinéa de l’article III-185, cité ci-dessus, est complété par : «Le Système européen de banques centrales agit conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes prévus à l’article III-177.» Et l’article III-177, qui introduit le chapitre «Politique économique et monétaire», renvoie à son tour «aux fins de l’article I-3», tout en précisant que «l’action des États membres et de l’Union comporte, dans les conditions prévues par la Constitution, l’instauration d’une politique économique fondée sur l’étroite coordination des politiques économiques des États membres, le marché intérieur et la définition d’objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre». Il continue en réaffirmant à nouveau «la définition et la conduite d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques dont l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l’Union, conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre». À noter qu’ici, comme en d’autres endroits, la précision «sociale» pour la définition de «l’économie de marché» a disparu!

 

 


 

 

Le marbre du Pacte de stabilité et de croissance

À cette coordination des politiques économiques, très encadrée (strictement pour les pays de la zone euro) par les principes de stabilité des prix et de libre concurrence, s’ajoute l’encadrement des politiques budgétaires par le dispositif de surveillance prévu par le projet de traité qui inscrit intégralement les dispositions (article III-184, protocoles n° 10 et n° 11) mises en œuvre par le pacte de stabilité et de croissance (PSC).

 

 


 

 

La politique économique : la discipline budgétaire d’abord

Le projet de traité par son article III-184 stipule que «les États membres évitent les déficits excessifs» et prévoit que «la Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres pour déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée [...]».

C’est alors qu’interviennent les critères de déficit public et de dette publique, dont les valeurs de référence sont précisées dans le «protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs», protocole n° 10 annexé au projet de traité complété par le protocole n° 11 sur «les critères de convergence». Ces valeurs sont celles qui prévalent depuis le traité de Maastricht, à savoir un déficit public ne devant pas excéder 3% du PIB et un niveau d’endettement public maximal de 60% du PIB.

L’article III-184 fait par ailleurs l’objet d’une explication contenue dans les «Déclarations à annexer à l’acte final de la Conférence intergouvernementale», annexée au projet de traité. Il y est indiqué que «le potentiel de croissance et la garantie de situations budgétaires saines forment les deux piliers sur lesquels repose la politique économique et budgétaire de l’Union et des États membres. Le pacte de stabilité et de croissance est un instrument important pour la réalisation de ces objectifs.» Dans le paragraphe qui suit, «la Conférence réaffirme son attachement aux dispositions relatives au pacte de stabilité et de croissance, qui constituent le cadre dans lequel doit s’effectuer la coordination des politiques budgétaires des États membres».

 

 

 

Comment se déroule la procédure concernant les déficits publics excessifs?

La surveillance des politiques économiques des États membres par le Conseil et la Commission existe déjà. Rappelons qu’elle a été lancée à l’encontre de plusieurs États membres, parmi lesquels la France et l’Allemagne. Ainsi, fin novembre 2004, la Commission, considérant crédible le projet de budget 2005 qui ramène le déficit public à 2,9% du PIB, envisage de lever la procédure contre la France.

Le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» comme le traité en vigueur prévoient que la procédure concernant les déficits excessifs ne s’enclenche pas si le rapport déficit/PIB diminue «de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence» ou bien si le dépassement de la valeur de référence est «exceptionnel et temporaire, et que le- dit rapport reste proche de la valeur de référence».

Lorsqu’un dépassement est constaté ou qu’il existe un risque de dépassement, l’article III-184 reprend précisément la mise en œuvre des procédures de sanction à l’encontre des pays en situation de «déficit excessif»:

- Un rapport de la Commission examine si le déficit doit être considéré comme «excessif» et s’il y a lieu de déclencher la procédure à l’encontre de l’État membre concerné.
- Le comité économique et financier rend un avis sur le rapport de la Commission.
- S’il y a «déficit excessif» ou un risque que cela se produise, la Commission adresse un avis à l’État membre concerné et informe le Conseil.
- Le Conseil décide s’il y a déficit excessif, il adopte et adresse des recommandations à l’État membre concerné «afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné». Le Conseil statue à la majorité qualifiée sans tenir compte du vote de l’État membre concerné.
- Les recommandations du Conseil ne sont rendues publiques que s’il estime que son action n’est pas suivie d’effets.
- Si l’État membre ne donne pas suite, il est mis en demeure par le Conseil de prendre des mesures visant à réduire le déficit.
- Tant que dure la situation de déficit excessif, l’État membre concerné peut être contraint dans sa politique d’endettement (surveillance renforcée des émissions de titres et obligations) par le Conseil. Le Conseil peut «exiger que l’État membre concerné fasse, auprès de l’Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d’un montant approprié, jusqu’à ce que le Conseil estime que le déficit excessif a été corrigé», ou encore «imposer des amendes».

Entré en fonction en 1999 lors de la mise en œuvre de l’euro et confirmé par l’article III-192, le Comité économique et financier (composé de membres nommés par les États, la Commission et la Banque centrale européenne) participe à la surveillance de la situation économique et financière des États membres. Actuellement, il est saisi du projet de réforme du pacte de stabilité, dont les grandes lignes sont détaillées dans une communication de la Commission de septembre 2004.

 

 

 

Une surveillance budgétaire renforcée

Ce qui change avec le projet de traité, c’est une surveillance budgétaire renforcée. Lorsqu’il est constaté que les politiques économiques ne sont pas conformes aux grandes orientations de politique économique élaborées par l’Union (article III-179):
- Le projet de traité donne à la Commission la possibilité «d’adresser un avertissement à l’État membre concerné» (procédure nouvelle par rapport au traité en vigueur).
L’article III-194 (nouvel article par rapport au traité en vigueur, propre aux pays dont la monnaie est l’euro) accentue également l’exigence de discipline budgétaire: «Afin de contribuer au bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution, le Conseil adopte [...] des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro pour [...] renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire; [...] élaborer les orientations de politique économique, en veillant à ce qu’elles soient compatibles avec celles qui sont adoptées pour l’ensemble de l’Union, et en assurer la surveillance.»

 

 

 

Le Pacte de stabilité et de croissance

L’ensemble des dispositions du traité ci-dessus encadrant les politiques budgétaires des États sont mises en œuvre par le pacte de stabilité et de croissance, qui est composé d’une résolution du Conseil européen d’Amsterdam du 17 juin 1997 (97/C 236/01) et de deux règlements du Conseil européen[1], auxquels s’ajoute un règlement relatif à l’application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs (règlement [CE] n° 3605/93 du Conseil du 22 novembre 1993).

Dans la Résolution, le Conseil donne comme consigne à la Commission d’exercer «le droit d’initiative que lui confère le traité de manière à faciliter le fonctionnement rigoureux, rapide et efficace du pacte de stabilité et de croissance» et s’invite «à décider systématiquement d’infliger des sanctions si un État membre participant ne prend pas les mesures nécessaires pour mettre fin à une situation de déficit excessif».

Le premier règlement «fixe les dispositions régissant le contenu, la présentation, l’examen et le suivi des programmes de stabilité et des programmes de convergence dans le cadre de la surveillance multilatérale exercée par le Conseil», tandis que le second «arrête les dispositions visant à accélérer et à clarifier la procédure concernant les déficits excessifs, afin de prévenir l’apparition de déficits excessifs des administrations publiques et, s’ils se produisent, de favoriser leur rapide correction».

Ces deux règlements stipulent que «le pacte de stabilité et de croissance est fondé sur l’objectif de finances publiques saines en tant que moyen de renforcer les conditions propices à la stabilité des prix et à une croissance forte et durable, génératrice d’emploi». Mais il ne s’agit pas seulement de maîtriser le déficit, puisque le pacte impose aux États membres de «respecter l’objectif à moyen terme d’une position budgétaire proche de l’équilibre ou excédentaire».

 

[1] Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques; règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

 


 

 

Révision fondamentale ou aménagement à la marge ?

La surveillance budgétaire repose sur un dispositif à plusieurs étages. Le pacte de stabilité et de croissance, étant formalisé par des règlements du Conseil, est plus facilement révisable que le traité. Mais cette révision n’apparaît possible qu’à la marge seulement, c’est-à-dire sur la dose de flexibilité à apporter dans les moyens et les délais pour respecter des critères. Ces éléments constituent les principaux points que la Commission a mis en débat avec l’objectif de réformer le pacte de stabilité et de croissance. En revanche, pas de remise en cause possible de l’architecture d’ensemble du dispositif de surveillance budgétaire et de la priorité qui lui est donnée, sans révision du traité. C’est un argument sur lequel s’appuie le refus de retirer de l’évaluation du déficit certaines dépenses publiques (comme celles de recherche et développement, ou encore celles relative au budget européen, ou bien encore les dépenses militaires).

Le pacte de stabilité et de croissance fait l’objet de vives controverses depuis de nombreux mois. Du côté institutionnel, Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne, avait ouvert le feu des critiques en qualifiant les règles actuelles de «stupides» car «trop rigides». La multiplication des situations budgétaires en contravention avec les critères (six pays de la zone euro représentant 80% du PIB de la zone) et la mise en œuvre de procédures pour «déficit excessif» continuent d’alimenter le débat sur les pistes de réforme du pacte de stabilité.

Parler de «réforme» au sujet des propositions faites par la Commission en septembre 2004 est d’ailleurs exagéré. On utilisera plutôt le terme d’«aménagement». En clair, les règles restent ce qu’elles sont, mais les États, pour faire correspondre leur situation budgétaire aux critères prévus, pourraient disposer d’un calendrier adapté à la diversité des situations et de marges de manœuvre plus importantes.

Par ailleurs, l’interprétation plus souple des critères est conditionnée par l’engagement de «réformes structurelles», concernant notamment la protection sociale, les services publics et le fonctionnement du marché du travail. Un pays dont la situation budgétaire serait en contradiction avec le pacte et qui n’engagerait pas les «réformes» souhaitées par la Commission ne bénéficierait d’aucune clémence. Enfin, les propositions visent à donner une plus grande importance à la réduction de la dette au lieu de maintenir une pression trop forte en matière de déficit.

En outre, les ministres des Finances ont toujours souligné que les changements «devaient être restreints au minimum». Le conseil ECOFIN du 16 novembre 2004 n’a apporté aucune avancée notable. L’idée d’exclure les dépenses de recherche et développement et des investissements productifs (pourtant indispensables à la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne) a été recalée.

Désormais, l’accord reste à mettre en forme. La Commission devrait présenter ultérieurement des propositions plus détaillées avec l’objectif de parvenir à un accord lors du sommet européen du printemps 2005. La volonté de réforme du pacte, déjà bien timide, pourrait au final se résumer à un simple aménagement.

C’est dans le même ordre d’idée que l’on peut comprendre la conclusion de l’article III-178 du projet de traité constitutionnel sur les politique économiques: «L’action des États membres et de l’Union implique le respect des principes directeurs suivants: prix stables, finances publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements stable.»

 

 


[Fiche n°5] - Droit Syndical?

 

 

La construction européenne sur la base des traités successifs –le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe» allant lui aussi dans le même sens– conduit à des transferts de compétences de plus en plus nombreux et importants. La place, le statut, le rôle et les objectifs donnés aux relations sociales et aux organisations syndicales sont d’autant plus importants du point de vue de l’intérêt des travailleurs et plus largement de la démocratie et de la liberté.

Les éléments nouveaux contenus dans le projet actuel de traité sur ces questions se trouvent dans la partie I et la partie II (Charte des droits fondamentaux de l’Union), les articles consacrés à «la politique sociale» (cf. fiche n° 7), dans la partie III, reprenant les dispositions du traité en vigueur instituant la Communauté européenne.

 

 


 

 

Droits fondamentaux: Charte et/ou CEDH?

En matière de droit syndical, l’article I-9 («Droits fondamentaux») renvoie aux «droits, libertés et principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux qui constitue la partie II» et affirme dans le même temps que «les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1] (CEDH) et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux».

Cette dernière formulation correspond à la rédaction du traité en vigueur sur l’Union européenne, qui, en son article 6, indique: «2. L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.»

On peut s’interroger dès lors sur l’apport de l’introduction de la Charte des droits fondamentaux (largement inspirée de la CEDH et de la Charte sociale européenne), comme partie II du traité, alors que, dans le même temps, ce même article I-9 affirme que «l’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales».

Un tel choix apparaît en fait cohérent avec l’affichage «constitutionnel» du projet de traité.

Il conduit à conforter, en matière de droits fondamentaux, la compétence de la Cour de justice européenne (institution de l’Union européenne) à côté, voire en concurrence, de la Cour européenne des droits de l’homme (institution du Conseil de l’Europe).

Ce choix évite ainsi de bouleverser l’ordre juridique communautaire (cf. Déclaration ad article I-9 annexée qui précise que «l’adhésion à la CEDH devrait s’effectuer selon des modalités permettant de préserver les spécificités de l’ordre juridique de l’Union»).

Un rapport d’information de l’Assemblée nationale[2] soulignait en effet que le choix de la seule adhésion de l’Union européenne à la CEDH pouvait conduire à faire prévaloir le prisme des droits de l’homme sur la libre concurrence, la libre circulation ou encore la liberté d’établissement.

Or, ce conflit, entre l’objet économique de la Communauté européenne et de l’Union européenne et celui des droits de l’homme, objet du Conseil de l’Europe, a déjà eu l’occasion de s’exprimer à travers l’opposition entre libre circulation des marchandises et droit de grève (cf. ci-dessous paragraphe «Libre circulation des marchandises ou droit de grève?»).

À noter qu’en se dotant d’une compétence en matière de droits de l’homme, l’Union européenne tend à rendre envisageable son adhésion effective comme membre, à l’égal d’un État, du Conseil de l’Europe (cf. avis de la Cour de justice des Communautés européennes 2/94 du 28 mars 1996).

 

[1] Le Conseil de l’Europe, qui n’est pas une institution de l’Union européenne, a été institué en 1949 (cf. fiche 7). Quarante-six États, dont les États membres de l’Union européenne, en sont aujourd’hui membres. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme a été signée en 1950, et la Charte sociale européenne, en matière de droits économiques et sociaux, a été signée en 1961. Son siège est à Strasbourg.

[2] Rapport de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (23 mars 2000).

 


 

 

Droit et liberté de fondation et d’affiliation syndicales

La partie II («Charte des droits fondamentaux de l’Union») comporte un article «Liberté de réunion et d’association» (II-72) prévoyant que «1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts[1]». L’explication annexée de cet article précise qu’il correspond «aux dispositions de l’article 11 de la CEDH[2]» qui sont rappelées in extenso, en indiquant que ces dispositions ont une «portée plus étendue étant donné qu’elles peuvent s’appliquer à tous les niveaux, ce qui inclut le niveau européen».

Les pays de l’Union européenne étant déjà signataires de la CEDH doivent déjà respecter ses dispositions. Le renvoi à celle-ci et la reprise de la rédaction de nombre de ses articles, dans le cadre de cette partie II et des explications annexées, semblent donc avoir pour seul effet de n’apporter un droit nouveau éventuel qu’au niveau et dans le cadre des domaines de compétence l’Union européenne.

Cela correspond d’ailleurs à la rédaction de l’article II-111 («Champ d’application») qui indique que «les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union» et que «la présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution».

Il est cependant difficile d’affirmer que cela conduise à une réelle avancée par rapport à la situation existante, considérant que la Cour de justice européenne, dans un arrêt de 1974, affirmait que «les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont elle assure le respect», et que l’on trouve, dans plusieurs arrêts, la CEDH et la Charte sociale européenne parmi les sources de ces droits fondamentaux[3].

 

[1] Le préambule de 1946 de la Constitution française comporte trois articles relatifs au droit syndical: «6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. 7. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. 8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.»
Et son article 34 précise que «La loi détermine les principes fondamentaux: [...] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale».

[2] Article 11 de la CEDH: «1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État.»

[3] Rapport de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (23 mars 2000).

 


 

 

Charte communautaire des droits sociaux

L’explication annexée fait également référence à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs qui fut adoptée, dans le cadre des Communautés européennes, en 1989, comme simple déclaration n’ayant pas force de droit. Cette Charte n’avait dans un premier temps pas été adoptée par le Royaume-Uni, qui ne l’a signée qu’en 1997.

 

 


 

 

Restrictions à l’exercice des droits fondamentaux

À propos de cet article, comme pour d’autres articles de cette partie II consacrée aux droits fondamentaux, les explications annexées mentionnent les restrictions à l’exercice de ces droits. Ces restrictions sont inspirées de celles contenues dans la CEDH. L’article II-112 («Portée et interprétation des droits et principes») du projet de traité précise d’ailleurs que «dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention», tout en ajoutant que «cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue».

De telles restrictions (faisant référence à l’usage «des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État»), prévues dans une convention internationale telle que la CEDH, ont pour sens de ne pas s’opposer à la souveraineté des États signataires en matière d’ordre public intérieur. Ainsi, l’article 16 de la Constitution française, qui a été largement commenté et contesté du point de vue de la démocratie, prévoit lui-même l’instauration de pouvoirs exceptionnels du président de la République «lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu».

On peut s’étonner cependant que la référence à ces restrictions soit apparue indispensable dans le projet de traité s’il ne s’agit que d’apporter des droits nouveaux au niveau et dans le cadre de l’Union européenne. On peut s’interroger aussi sur le sens que peut prendre la soumission à référendum des citoyens de l’approbation d’un texte contenant de telles restrictions à l’exercice de droits fondamentaux, admises par ailleurs par les gouvernements qui ont ratifié la CEDH.

 

 


 

 

Droit de négociation, droit de grève et de lock-out

L’article II-88 («Droit de négociation et d’actions collectives») affirme que «les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève».

L’explication annexée de cet article renvoie aux «législations et pratiques nationales» pour la définition des «modalités et limites de l’exercice des actions collectives, parmi lesquelles la grève [...] y compris la question de savoir si elles peuvent être menées de façon parallèle dans plusieurs États membres».

Cet article, tout en affirmant un principe essentiel du point de vue de l’action syndicale –le droit de négocier– , ne semble pas apporter de droit effectif nouveau, la capacité de négocier et de conclure des accords au niveau européen étant déjà prévue dans les traités en vigueur au titre de la «politique sociale» (cf. fiche n° 6).

Pour ce qui concerne le droit d’action collective, là encore, le seul niveau où cette partie II («Charte des droits fondamentaux») est susceptible de s’appliquer étant le niveau des institutions européennes ou des États lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, le droit nouveau que l’on pouvait en attendre est celui du droit d’action, notamment de grève, à ce niveau.

Or, ce droit d’action de grève solidaire au niveau européen («menées de façon parallèle dans plusieurs États membres»), étant renvoyé aux législations nationales, demeure sur le plan juridique de fait impossible. L’article III-210, qui prévoit qu’en matière de politique sociale «l’Union soutient et complète l’action des États membres», précise d’ailleurs que cela ne s’applique «ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out». Ce qui est à la fois une protection de la souveraineté des États dans ces domaines et peut être compris comme empêchant une harmonisation (celle-ci n’étant souhaitable que dans la mesure où elle ne porte pas atteinte aux conditions les plus favorables!). La reconnaissance juridique d’un droit de grève au niveau européen poserait une autre question: elle pourrait être associée de fait à l’attribution de compétences en matière d’ordre public à l’Union européenne, compétences qui sont celles d’un État.

À noter que cet article reconnaît le droit d’action collective, y compris la grève, aux employeurs également. Il reconnaît ainsi implicitement le droit de lock-out (celui-ci étant cependant soumis dans les mêmes conditions aux législations nationales), qui est interdit en France!

 

 


 

 

Libre circulation des marchandises ou droit de grève?

Une autre question demeure posée, avec plus d’acuité depuis 1997: quelles dispositions prévalent entre «les libertés fondamentales» définies à l’article I-4 du projet de traité («Libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux») et «les droits fondamentaux», en particulier le droit d’action collective, y compris de grève?

En effet, s’appuyant sur le mandat du Conseil européen d’Amsterdam (16-17 juin 1997) «d’examiner les moyens de garantir de manière efficace la libre circulation des marchandises, y compris la possibilité d’imposer des sanctions aux États membres», la Commission européenne présentait au Conseil des ministres de l’UE du 27 novembre 1997 une proposition de règlement.

Cette proposition était présentée comme une réponse aux «atteintes graves et injustifiées au principe de libre circulation des marchandises», pouvant survenir notamment lors de certains conflits comme la grève récente à l’époque des routiers en France. Elle allait jusqu’à prévoir que la Commission adresse à l’État concerné «une décision lui imposant de prendre les mesures nécessaires» pour mettre fin à l’entrave constatée à la libre circulation des marchandises.

L’Assemblée nationale comme le Sénat en France prenaient chacun une résolution demandant au gouvernement de s’opposer à l’adoption de cette proposition, au motif notamment qu’elle conduisait à «autoriser la Commission à intervenir dans un domaine relevant de la seule compétence des États, tel que le maintien de l’ordre public».

Un règlement ainsi qu’une résolution du Conseil[1] ont cependant finalement été adoptés un an plus tard (7 décembre 1998). Ils incitent les États membres à «prendre toutes les mesures nécessaires et proportionnées pour supprimer les entraves à la libre circulation des marchandises». Tous deux prennent soin de préciser «qu’ils ne peuvent être interprétés comme affectant d’une quelconque manière l’exercice des droits fondamentaux, tels qu’ils sont reconnus dans les États membres, y compris le droit ou la liberté de faire grève».

Un rapport[2] a été rendu après deux ans d’entrée en vigueur de ce règlement. Il comptabilise vingt-deux cas d’application du règlement, dont plusieurs associés à des actions de grève (31 janvier 2000, grève dans le secteur du transport routier; 26 juin 2000, grève du contrôle aérien; 27 juillet 2000, grève du contrôle aérien en Italie), la plupart des autres l’étant à des actions de blocage des ports (mouvements dans le secteur de la pêche) ou des routes (mouvements des employeurs et artisans transporteurs routiers).

Ce rapport conclut aux limites d’application du règlement parce que les États n’ont pas doté le texte de moyens d’intervention efficaces, du fait notamment «du rôle primordial joué par des considérations relatives au maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ainsi qu’à l’exercice des droits fondamentaux»!

Depuis, la Commission a lancé un appel d’offres en vue d’une «étude de droit comparé portant sur les règles applicables dans les États membres en cas de perturbation grave de la libre circulation des marchandises».

Sur cette question, il semble que le projet de traité ne modifie pas la situation (cf. «Droits fondamentaux: Charte et/ou CEDH?»).

 

[1] Règlement (CE) n°2679/98 du Conseil; résolution du Conseil sur la libre circulation des marchandises.

[2] Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l’application du règlement (CE) n°2679/98 (22 mars 2001), COM (2001) 160 final.

 


[Fiche n°6] - «Dialogue social» et/ou action syndicale?

 

 

Le droit à l’information, à la consultation et à la négociation est très souvent repris sous l’appellation «dialogue social». Pour être effectif, ce droit demande un cadre législatif (les dispositions du Code du travail en France relatives aux conventions collectives, aux institutions de représentation du personnel, etc.).

 

 


 

 

Comités d’entreprises

Le projet de traité contient un article (II-87) consacré au «droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise», qui prévoit que «les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales». L’explication annexée met en avant que «la référence aux niveaux appropriés [...] peut inclure le niveau européen lorsque la législation de l’Union le prévoit» et renvoie aux dispositions existantes en matière de «politique sociale» (articles III-211 et III-212, repris du traité CE en vigueur) et aux «directives 2002/14/CE (cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne), 98/59/CE (licenciements collectifs), 001/23/CE (transferts d’entreprises) et 94/45/CE (comités d’entreprise européens)».

 

 


 

 

Sommet social tripartite

L’article I-48, par rapport à la version initiale issue de la Convention sur l’avenir de l’Europe, a été complété par la mention suivante: «Le sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi contribue au dialogue social», amendement qui a été mis au compte notamment du gouvernement français.

Cet ajout inscrit en fait dans le traité une décision du Conseil du 6 mars 2003. À la demande des «partenaires sociaux» (réunion d’un sommet social le 13 décembre 2001 à Laeken), il s’agissait de remplacer le Comité permanent de l’emploi (mis en place, déjà à la demande des représentants des organisations des employeurs et des travailleurs, par une décision du Conseil du 24 décembre 1970). Cette décision du Conseil donne au «sommet» pour mission «d’assurer de façon permanente [...] la concertation entre le Conseil, la Commission et les partenaires sociaux» pour permettre «aux partenaires sociaux au niveau européen de contribuer, dans le cadre du dialogue social, aux différentes composantes de la stratégie économique et sociale intégrée, y compris dans sa dimension de développement durable, telle qu’elle a été lancée lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000[1]». Des sommets sociaux informels ont été réunis en ce sens (Stockholm en mars 2001, Barcelone en mars 2002). Le sommet se réunit au moins une fois par an, avant le Conseil européen de printemps. Il est composé de la «troïka» (la présidence en exercice du Conseil et les deux présidences suivantes), de la présidence de la Commission et d’une délégation des partenaires sociaux (dix représentants des travailleurs et dix représentants des employeurs).

La dernière réunion de cette nature a eu lieu le 25 mars 2004 et a été l’occasion pour la CES (Confédération européenne des syndicats), l’UNICE (Union des industries de la Communauté européenne), le CEEP (Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général) et l’UEAPME (Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises) de présenter deux rapports, dont l’un sur le «cadre d’action pour le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie», qui, pour la France, consiste en une présentation synthétique du contenu de l’accord du 20 septembre 2003 sur la formation professionnelle.

 

[1] La décision du Conseil du 14 décembre 1970 portant création du comité permanent de l’emploi des Communautés européennes lui assignait comme mission «d’assurer de façon permanente [...] le dialogue, la concertation et la consultation entre le Conseil - ou, selon le cas, les représentants des gouvernements des États membres -, la Commission et les partenaires sociaux en vue de faciliter la coordination des politiques de l’emploi des États membres en les harmonisant avec les objectifs communautaires», et précisait que «le rôle du comité s’exercera avant que les décisions éventuelles des institutions compétentes soient prises».

 


 

 

Dialogue social autonome

La première partie du projet de traité comporte, dans son titre VI («La vie démocratique de l’Union») un article (I-48) intitulé: «Les partenaires sociaux et le dialogue social autonome». Celui-ci affirme que «l’Union reconnaît et promeut le rôle des partenaires sociaux à son niveau, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux. Elle facilite le dialogue entre eux, dans le respect de leur autonomie». La notion d’autonomie est reliée notamment à celle du «dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l’Union européenne» tel que prévu à l’article III-212 (section consacrée à la politique sociale).

Les dispositions relatives à la négociation d’accords au niveau européen sont explicitées dans les articles III-210 et III-211. Ces deux articles font partie de la section 2 de la partie III («Politique sociale», articles III-209 à III-219) qui reprend pour l’essentiel la rédaction des articles 136 à 148 du traité actuel instituant la Communauté européenne (traité CE).

Ces dispositions trouvent leur origine dans l’accord conclu entre la CES, l’UNICE et le CEEP le 31 octobre 1991. Elles ont d’abord pris la forme d’un accord entre onze États membres (le Royaume-Uni ayant refusé alors d’y adhérer), annexé au protocole sur la politique sociale du traité de Maastricht, puis intégré dans le traité d’Amsterdam.

Deux cas de figure sont prévus:

1. Dans les domaines définis à l’article III-210, où «l’Union soutient et complète l’action des États membres», la Commission peut prendre l’initiative de propositions de «loi» («règlement» dans le traité CE) ou «loi-cadre européenne» («directive» dans le traité CE), soumises à l’adoption du Conseil (unanimité requise pour les points c), d), f) et g)[1]. Cependant, l’article III-211 tend à donner priorité à la négociation. Il prévoit en effet «qu’avant de présenter des propositions dans le domaine de la politique sociale, [elle] consulte les partenaires sociaux sur l’orientation possible d’une action de l’Union».

Si elle maintient son intention de proposer une action de l’Union, elle doit alors «consulter les partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée» et ceux-ci «remettent à la Commission un avis ou, le cas échéant, une recommandation». Ils peuvent à ce moment faire connaître leur volonté d’engager une négociation en vue d’un accord (article III-212[2]), et disposent alors en règle générale d’un délai de neuf mois pour conclure.

2. Sans restriction de domaine, ce même article III-212 prévoit de fait que «les partenaires sociaux au niveau de l’Union européenne» peuvent, «s’ils le souhaitent», prendre l’initiative de «relations conventionnelles, y compris d’accords».

Les accords conclus au niveau européen sont mis en œuvre «selon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres» (article III-212), donc par voie d’accords négociés au niveau national.

Dans les domaines définis à l’article III-210 (cf. ci-dessus), un accord –qu’il soit issu de la procédure de consultation à l’initiative de la Commission (cf. 1. ci-dessus) ou de l’initiative «des partenaires sociaux» (cf. 2. ci-dessus)– peut, «à la demande conjointe des parties signataires», prendre la forme de «règlements ou décisions[3] européens adoptés par le Conseil sur proposition de la Commission», en respectant l’unanimité dans les cas où elle est requise et en informant le Parlement européen.

Lorsqu’une loi-cadre a été adoptée par le Conseil, parce qu’à la suite d’une initiative de la Commission la consultation des partenaires sociaux n’a pas débouché sur un accord (du fait notamment d’un échec de la négociation), ou lorsqu’à la demande des parties signataires un accord est transformé en règlement ou décision adopté par le Conseil, l’article III-210 prévoit que la mise en œuvre au niveau d’un État membre de la loi-cadre, du règlement ou de la décision peut, «à la demande conjointe des partenaires sociaux», faire l’objet d’un accord négocié.

 

[1] « a) l'amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs;
b) les conditions de travail;
c) la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs;
d) la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail;
e) l'information et la consultation des travailleurs;
f) la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous réserve du paragraphe 6;
g) les conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l'Union»
h) l'intégration des personnes exclues du marché du travail, sans préjudice de l'article III-283;
i) l'égalité entre femmes et hommes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail;
j) la lutte contre l'exclusion sociale;
k) la modernisation des systèmes de protection sociale, sans préjudice du point c) »

[2] ARTICLE III-212 : « 1. Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l'Union peut conduire, si ceux-ci le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords».

[3] Les règlements et décisions sont définis à l’article I-33 «les actes juridiques de l’Union», comme des «actes non législatif» mais pouvant avoir à la fois une portée générale et obligatoire dans tous leurs éléments.

 


 

 

Dialogue social et rapport de force

La reconnaissance puis la création d’un cadre juridique pour la négociation d’accords au niveau européen a progressivement été introduite dans les traités (par l’Acte unique dans un premier temps, puis - à la suite de l’accord du 31 octobre 1991 - dans le traité de Maastricht et enfin d’Amsterdam) comme réponse à l’évolution de la construction européenne au cours de la fin des années 1980 et durant les années 1990.

Parallèlement à l’accélération de la construction européenne sur une orientation résolument économique libérale (cf. fiche n°7 «De la paix au marché»), la Communauté économique européenne, qui devenait l’Union européenne et la Communauté européenne, se voyait attribuer des compétences en matière de politique sociale, avec, dans le même temps, l’élargissant du champ du vote à la majorité qualifiée.

De la part des organisations syndicales, l’accord du 31 octobre 1991 doit être compris comme visant à éviter que les dispositions sociales prises au niveau européen soient conçues, à l’initiative et sous l’autorité des institutions européennes (Commission et Conseil), comme l’accompagnement de la réalisation à marche forcée du marché intérieur.

De la part du patronat (UNICE et CEEP), il s’agissait aussi d’éviter que la production d’une législation sociale au niveau européen soit sous la seule coupe de la Commission et des gouvernements. Mais, force est de constater que le patronat (l’UNICE en particulier) entendait ainsi préserver sa capacité soit de blocage, soit d’influence, sur le contenu des dispositions sociales, dans le sens de ses intérêts.

Dans ce contexte, la CES a tendu à privilégier à la fois sa reconnaissance institutionnelle et le «dialogue social» ainsi institué, au détriment y compris du contenu de ce dernier. Le Secrétaire général de la CES d’alors, Emilio Gabaglio, expliquait ainsi: «Le processus en lui-même prévaut sur le contenu des accords[1].»

Temps partiel

Faute d’initiative autonome, les premières négociations ont été engagées à la suite de la consultation de la Commission sur les domaines de compétences de l’Union européenne. Ces négociations ont soit échoué (information-consultation des travailleurs en 1998 du fait du refus de négocier de l’UNICE; travail intérimaire en 2001), soit débouché sur des accords a minima (congé parental en 1995; travail à temps partiel en 1997; travail à durée déterminée en 1999) ayant été mis en œuvre par voie de directives. La CGT-Force Ouvrière, compte tenu des faiblesses et de certains risques que pouvait contenir l’accord sur le travail à temps partiel, avait fait connaître son opposition à sa signature par la CES (58 voix s’étaient alors exprimées en faveur de la signature, 11 contre et 6 abstentions, lors du Comité exécutif de la CES en juin 1997).

Télétravail

Plus récemment, l’accord sur le télétravail (16 juillet 2002), résultant d’une négociation à la suite d’une consultation de la Commission, se présente comme le premier accord autonome dans sa mise en œuvre. Les signataires ont, en effet, prévu explicitement que sa mise en œuvre dans les États membres devait se faire par voie de négociation. Bien que la CGT-Force Ouvrière ait immédiatement demandé l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle (lettre du Secrétaire général de la CGT-FO au président du MEDEF, le 24 juillet 2002), celle-ci ne devrait finalement s’ouvrir qu’au cours de l’année 2005 (date limite prévue initialement dans l’accord européen).

Stress au travail

En réponse à «l’agenda pour la politique sociale» présenté par la Commission (Bruxelles, 28 juin 2000, COM [2000] 379 final) et afin de préserver et de conforter le cadre juridique pour la négociation d’accords, la CES, l’UNICE, l’UEAPME et le CEEP adoptaient un «programme de travail des partenaires sociaux 2003-2005» (28 novembre 2002). Dans ce programme était envisagé une négociation sur le stress au travail. Cette négociation, à la seule initiative, pour la première fois, des partenaires sociaux, a eu lieu et a débouché sur un accord avec l’approbation de la CGT-FO. Celui-ci, bien que peu contraignant mais conduisant potentiellement à la reconnaissance du stress au travail comme maladie professionnelle, reste à mettre en œuvre par voie de négociation au plan national, ce qui se heurte, là encore, au peu d’empressement du patronat.

Du cadre juridique à l’action syndicale

Cette reconnaissance du cadre juridique pour la négociation au niveau européen, reprise par le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe», sous l’appellation «dialogue social autonome», n’épargne pas la nécessité pour l’organisation syndicale d’être en capacité d’instaurer un rapport de force favorable à la défense des intérêts des travailleurs, à la fois face aux institutions européennes et face au patronat. L’insuffisance de la CES à s’affranchir du cadre institutionnel, pour privilégier une démarche indépendante fondée sur l’action syndicale revendicative, a ainsi conduit la CGT-FO à s’abstenir sur les rapports d’activité présentés par le secrétariat de la CES lors des congrès d’Helsinki (1999) et de Prague (2003). Plus récemment, la CGT-FO a voté contre la confirmation, par le Comité exécutif de la CES, de la position du comité directeur appelant à soutenir le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe». D’autres organisations (une dizaine) se sont abstenues. Nous avons justifié notre vote par deux éléments: la CGT-FO n’avait pas arrêté de position et nous avons contesté les procédures du point de vue de la démocratie au sein de la CES. Par ailleurs, une majorité d’organisations s’est opposée à la proposition du secrétariat de la CES de lancer une pétition sur cette question dans les pays de l’Union européenne.

Dans le même temps, la CGT-FO intervient pour faire valoir ses analyses et positions au niveau de la CES sur l’ensemble des dossiers concernant les questions sociales. C’est ainsi que la CGT-FO a défendu la position adoptée par la CES (Comité exécutif de juin 2004) contestant le projet actuel de directive sur les services dans le marché intérieur. À noter que, sur ce dossier, la Commission n’a pas hésité à contourner le cadre de la consultation des «partenaires sociaux» prévue sur toute proposition dans le domaine de la politique sociale (article 138 du traité CE repris par l’article III-211 du projet de traité) au prétexte que ce projet de directive concerne «l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur» (domaine qui fait partie des compétences exclusives de l’Union européenne au titre de l’article I-13 du projet de traité, pour lequel elle n’a pas obligation de consulter a priori les «partenaires sociaux»).

De même, la CGT-FO est intervenue au niveau de la CES en faveur d’une position nette de celle-ci contre le projet actuel de révision de la directive «temps de travail» qui conduirait à l’annualisation de la durée maximale de travail (actuellement 48 heures sur quatre mois) pouvant entraîner des semaines allant jusqu’à 62 heures, à la possibilité y compris de déroger à toute règle en la matière («opt out»), à la non-prise en compte des temps de garde comme temps de travail. À noter que ce projet de directive a été proposé par la Commission après que la phase de consultation des «partenaires sociaux», à laquelle était soumise toute initiative de la Commission en la matière (même article 138 du traité CE), a échoué sur l’impossibilité d’ouvrir une négociation entre la CES et l’UNICE, l’UNICE étant en faveur de dispositions allant dans le sens des propositions actuelles de la Commission.

L’effectivité du droit de négociation dépend à la fois du cadre législatif, qui permet de donner force de droit aux accords éventuellement conclus entre organisations syndicales et représentants des employeurs, et de la capacité des organisations syndicales de faire valoir leurs revendications. Cette capacité repose sur la capacité d’action collective, y compris de grève. Or, sur ce plan, le projet de traité ne semble pas faire évoluer la situation pour ce qui concerne le droit d’action collective au niveau européen (cf. fiche 5, «Droit syndical»).

 

[1] Emilio Gabaglio, Qu’est-ce que la CES, éd. de L’Archipel, 2003.

 


[
Fiche n°7] - De la Paix au Marché? - Chronologie

 

 

1946

Au lendemain du deuxième conflit mondial, l’aspiration à la paix relance l’idée d’une Europe unie. Tant dans le discours de Winston Churchill (1946) que de Robert Schuman (1950), il s’agit, en premier lieu, de mettre fin «à l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne». L’idée et la réalisation premières sont de «placer l’ensemble de la production franco-allemande du charbon et d’acier [industries alors essentielles à l’économie mais aussi jusqu’alors bases de la production de l’armement] sous une Haute autorité commune». Ainsi, Robert Schuman considère que «la solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible»[1]. Parallèlement à la signature du traité instituant la CECA, est d’ailleurs élaboré et signé le traité créant la CED (Communauté européenne de défense). Après l’échec de sa ratification, le moteur économique va devenir le relais de la construction européenne. Il s’agit alors aussi de faire face au «bloc soviétique». Le Traité de Rome qui institue la CEE (Communauté économique européenne) met à la fois en avant la nécessité d’une politique économique non inflationniste (l’inflation étant associée à la période de crise économique des années 30) et la préservation d’une économie de marché (où «la concurrence n’est pas faussée»).

1960

La période qui va des années 60 au début des années 70 apparaît comme celle de la confortation progressive du projet d’intégration, avec notamment le développement de l’ordre juridique communautaire bâti sur la jurisprudence de la CJCE (Cour de Justice des Communautés européennes), et amène à poser la question de la nature politique de la construction européenne en regard de la souveraineté des États.

1986

La crise dite du «pétrole» à partir de 1974 a pour conséquence l’accélération du moteur économique. Alors que se développe le chômage de masse cela conduit en France notamment au double tournant des années 82-83: le choix du maintien dans le système monétaire européen qui se met en place – dit «tournant de l’Europe» - et celui de la désinflation compétitive – dit «tournant de la rigueur». Les objectifs européens sont alors la réalisation du «grand marché intérieur», auquel sont consacrés nombres de «livres blancs ou verts» portant sur la libéralisation des échanges (télécommunications, transports, énergie…) , et de l’Union économique et monétaire. Elle est marquée par une première modification importante des traités de Rome avec l’Acte Unique (1986).

1995

Les années 80 voient parallèlement l’effritement puis l’effondrement du régime soviétique. La construction européenne s’inscrit alors dans l’emballement de la «mondialisation libérale économique». Après le Traité de Maastricht, c’est l’adoption du Pacte de stabilité et de croissance à Dublin, alors que s’achève l’accord GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) de l’Uruguay Round et qu’est créée l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) (1995). Aux Livres verts et blancs de la Commission correspondent les accords OMC. Les objectifs affirmés en 1955 en matière d’harmonisation sociale apparaissent eux restés sur le quai de départ, et la condition des travailleurs (emploi, salaires, temps de travail, protection sociale) soumise à la seule loi du marché.

2004

S’ouvre également l’enjeu de l’élargissement vers les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), qui a amené à poser la réforme du fonctionnement des institutions (Traité de Nice puis Convention sur l’avenir de l’Europe à l’origine du projet actuel de «traité établissant une Constitution pour l’Europe»).

 

[1] Discours de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, inspiré d’un projet de Jean Monnet (9 mai 1950).

 


 

 

Crises et aléas

Le processus de la construction européenne n’est pas exempt de crises importantes et d’aléas: le traité créant la CED, bien que signé, ne fut jamais ratifié du fait du refus du Parlement français en 1954 ; en 1965-66, le gouvernement français ira jusqu’à suspendre sa participation au Conseil face à l’enjeu notamment du vote à l’unanimité ; en 1975, le Royaume Uni soumet à référendum son maintien dans la CEE ; la Norvège, le Groenland, le Danemark, l’Irlande, puis la Suède refuseront de ratifier en tout ou partie les traités signés à la suite de référendum ; plus récemment, en décembre 2003, les chefs d’État et de gouvernement échoueront une première fois sur un accord sur le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe». Enfin, les dernières élections du Parlement européen (juin 2004) ont connu des taux d’abstention record, abstention qui n’a pas épargné y compris les pays dont l’adhésion venait d’entrer en vigueur.


Le CCN de la CGT Force Ouvrière (16-17 septembre 2004) a mis en avant que «la nature économique libérale et restrictive de la construction européenne qui a prévalu jusqu’alors et ses conséquences négatives pour les salariés conduisent au risque de mettre en cause le bien fondé de la construction européenne comme facteur de paix et de progrès social».
Militant pour une réorientation urgente de la construction européenne qui fasse du progrès social un objectif prioritaire, tel est le sens de l’appel de la CGT FO à un «débat sur les modalités de sa construction, débat qui n’a réellement jamais eu lieu, y compris sur la nature prééminente et contraignante de l’économique comme moteur de la construction européenne».

 

 


 

 

Chronologie

 

1946

> dans un discours célèbre prononcé à Zurich le 19 septembre, Winston Churchill évoque la création des «États-Unis d’Europe», tout en considérant que la Grande Bretagne n’a pas vocation à en faire partie
 

1948

> création de l’Union Occidentale (traité de Bruxelles entre la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays Bas et le Royaume Uni) qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression.
> création de l’organisation européenne de coopération économique (OECE) afin de répartir les fonds du plan Marshall d’aide américaine à la reconstruction de l’Europe. L’OECE (Autriche, Belgique, Danemark, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie, Allemagne occidentale) allait devenir l’OCDE en 1961
 

1949

> signature à Washington le 4 avril du Traité de l’Atlantique-Nord instituant l’Alliance atlantique (OTAN) entre 10 pays d’Europe occidentale, les États-Unis et le Canada, dans le but de créer un système de sécurité collective.
> Traité de Londres (5 mai) instituant le Conseil de l'Europe, signé par dix États: Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède. Son siège est situé à Strasbourg. Il a été créé afin:
• de défendre les droits de l'homme et la démocratie parlementaire et d'assurer la primauté du Droit,
• de conclure des accords à l'échelle du continent pour harmoniser les pratiques sociales et juridiques des États membres,
• de favoriser la prise de conscience de l'identité européenne fondée sur des valeurs partagées et transcendant les différences de culture
La Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe, signée à Rome le 4 novembre 1950, premier instrument juridique international garantissant la protection des droits de l'homme (notamment par l’instauration de la Cour européenne des Droits de l’Homme en 1959)
 

1950

> discours (9 mai) de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, préparé par Jean Monnet, dans lequel il propose «de placer l’ensemble de la production franco-allemande du charbon et d’acier sous une autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe». C’est dans ce discours que Robert Schuman explique que «l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord des solidarités de fait»
> Présentation par René Pleven, chef du gouvernement français, de projet de Communauté Européenne de Défense (CED)
 



 

 

 

CECA

 

1951

> Traité de Paris (18 avril) instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) entre l’Allemagne (de l’Ouest), la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Ce traité est entré en vigueur le 10 février 1953 pour une durée de 50 ans
 

1952

> signature du Traité de Paris (27 mai) créant une Communauté européenne de défense (CED) entre les mêmes six pays
 

1953

> Parution du règlement de procédure de la Cour de Justice européenne au Journal officiel de la CECA
 

1954

> l’Assemblée nationale française rejette (30 août) l’autorisation de ratification du traité instituant la CED (53 socialistes sur 105, 34 radicaux sur 76, 99 communistes, 10 UDSR sur 24, 2 MRP sur 86, 67 gaullistes sur 73, 16 gaullistes dissidents sur 33). Ce traité pourtant signé ne sera jamais ratifié et donc n’entrera pas en vigueur
> l’Italie et la République fédérale d’Allemagne accèdent à l’Union occidentale – qui devient l’Union de l’Europe occidentale (UEO) (accords de Paris du 23 octobre)
> Premier arrêt de la Cour de Justice européenne de la CECA (21 décembre) (publicité des prix)
 

1955

> admission de l’Allemagne au sein de l’OTAN (5 mai)
> Lors de la Conférence de Messine (1-3 juin) les gouvernements des six pays de la CECA considèrent «le moment venu de franchir une nouvelle étape dans la voie de la construction européenne». Mettant en avant «le domaine économique», « ils estiment qu’il faut poursuivre l’établissement d’une Europe unie par le développement d’institutions communes, la fusion progressive des économies nationales, la création d’un marché commun et l’harmonisation progressive de leurs politiques sociales». En ce qui concerne le domaine social, «les six Gouvernements considèrent comme indispensable d’étudier l’harmonisation progressive des réglementations en vigueur dans les différents pays, notamment celles relatives à la durée du travail, la rémunération des prestations supplémentaires (travail de nuit, travail du dimanche et des jours fériés), la durée de ces congés et leur rémunération»
 



 

 

 

Traité de Rome

 

1957

> signature du Traité de Rome (25 mars) entre les six pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) instituant la Communauté économique européenne (CEE ou Marché commun) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom)
 

1958

> entrée en vigueur (1er janvier) des traités de Rome pour une durée illimitée
> Session constitutive de l'assemblée parlementaire européenne à Strasbourg (19 mars), remplaçant l'assemblée de la CECA
> Réunion, à Bruxelles (19 mai), de constitution du CES (Comité Économique et Social)
> La Cour de justice des Communautés européennes remplace la Cour de justice de la CECA et siège à Luxembourg (7 octobre)
 

1960

> création de l’association européenne de libre-échange (AELE) qui regroupe: l’Autriche, le Danemark, Royaume Uni, la Norvège, le Portugal, la Suède, la Suisse. Cette zone de libre échange est limitée aux produits industriels et agricoles transformés (excluant ainsi les produits agricoles de base et la pêche). Avec les élargissements successifs des Communautés européennes puis de l’Union européenne, l'AELE ne compte plus désormais que 4 pays: l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse (cf. ci-dessous l’EEE en 1994)
> Début du cinquième cycle de négociation du GATT dit Dillon Round (1er septembre), auquel participe la CEE pour la première fois au nom de ses États membres
> signature à Paris (14 décembre) du traité instituant l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui remplace l’OECE. L’OCDE regroupait alors 20 pays allant de l’Europe de l’Ouest et la Turquie, à l’Australie au Canada et aux États-Unis, au Mexique, à la Corée, au Japon, auxquels se sont ajoutés 10 pays dont ceux d’Europe centrale
 

1961

> sommet européen (réunion des Chefs d’État et de gouvernement) à Bonn où est exprimée la volonté de créer une union politique entre les six pays
 

1963

> le doute émis par le général de Gaulle, président de la République française, quant à la volonté du Royaume-Uni d’adhérer à la Communauté, conduit à l’arrêt des négociations avec tous les pays candidats (Royaume Uni, Irlande, Danemark, Norvège)
> Arrêt de la CJCE dit Van Gend en Loos (5 février), précisant que la Communauté constitue un nouvel ordre juridique au profit duquel les États membres ont consenti à limiter leurs droits souverains
 

1964

> Arrêt de la CJCE dit Costa/ENEL (15 juillet) posant le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit interne des États
> entrée en vigueur (1er décembre) du traité d’association entre la CEE et la Turquie
 



 

 

 

Traité de fusion des exécutifs

 

1965

> Signature à Bruxelles (8 avril) du traité de fusion des exécutifs des trois communautés (CECA, CEE et EURATOM).
> rupture des négociations portant sur la politique agricole commune (PAC). Le gouvernement français rappelle son représentant permanent et ne prend plus part aux réunions du Conseil des Communautés européennes (réunion des représentants des gouvernements) ni à celles du Comité des représentants permanents
 

1966

> Après 7 mois de politique de la «chaise vide», le gouvernement français siège à nouveau au Conseil, ayant obtenu en contrepartie le compromis dit de Luxembourg. Celui-ci rétablit la procédure de vote à l’unanimité, alors que la troisième et dernière phase de transition avant la mise en place du marché commun dans le cadre de la CEE devait conduire à ce que la plupart des décisions du Conseil soient prises à la majorité
 

1967

> Le Royaume-Uni, puis l’Irlande, le Danemark et la Norvège renouvellent leur demande d’adhésion à la Communauté. Le Général de Gaulle maintient son opposition concernant le Royaume Uni, considérant que celle-ci se ferait au détriment d’une véritable union politique et conduirait à une seule zone de libre-échange
> La Commission signe l'Acte final (30 juin) des négociations multilatérales menées dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT qui allait devenir l’OMC en 1995)
 

1969

> Arrêt de la CJCE dit Stauder (12 novembre) touchant à la question de la protection des particuliers et considérant que les principes généraux du droit communautaire, qu’elle a compétence à faire respecter, comprennent les droits fondamentaux de la personne
> Réunion à La Haye (Pays-Bas) (12 décembre) des chefs d'État et de gouvernement affichant la volonté de continuer sur la voie d'une véritable union économique et monétaire et à œuvrer en faveur de l'alignement des politiques sociales que cette union implique. Accord de principe sur l'élargissement de la Communauté aux 4 pays candidats (Royaume Uni, Danemark, Irlande, Norvège)
> La période de transition de douze ans prévue par le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) pour la mise en œuvre du marché commun prend théoriquement fin le 31 décembre
 

1970

> Le rapport Davignon vise à ce que la coopération politique conduise à ce que l'Europe puisse s'exprimer d'une seule voix sur les problèmes internationaux importants
> Arrêt Handelsgesellschaft (17 décembre). La Cour de justice précise que la sauvegarde des droits fondamentaux au niveau européen, tout en s'inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres, doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de la Communauté
 

1971

> Le Parlement européen adopte une résolution (12 février) concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services, mettant parallèlement l’accent sur le respect des directives par les États membres et sur le contrôle par la Commission de leur application.
> Le Conseil adopte le rapport Werner (22 mars) consacrant l’objectif d’une union économique et monétaire (UEM) et d’une monnaie unique passant par la mise en place du Serpent Monétaire Européen dans le domaine de la politique régionale
 

1972

> La Norvège ne ratifie pas l’adhésion (signée le 1er janvier) à la CEE à la suite d’un référendum négatif (25 septembre)
> Mise en place du Serpent Monétaire Européen (24 avril) dans le cadre duquel les États s’engagent à limiter les variations monétaires
 

1973

> Élargissement de la CEE à neuf avec le Danemark, le Royaume – Uni et l’Irlande (1er janvier)
> Création de la CES Confédération européenne des syndicats (8 février)
 

1974

> Arrêt de la CJCE dit Van Binsbergen (3 décembre) relatif à la libre prestation de services visant à éliminer toute discrimination à l'encontre d'un prestataire de services en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu'il réside dans un État membre autre que celui où la prestation doit être fournie
> Les Chefs d’État et de gouvernement réunis à Paris (Sommet du 9 et 10 décembre) institutionnalisent le Conseil européen (jusque là appelé Sommet) et décident le principe de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct
 

1975

> Un référendum a lieu au Royaume Uni posant la question du maintien dans la CEE (5 juin): 67,2 % des votants se prononcent en faveur
 

1978

> Arrêt de la CJCE dit Simmenthal (9 mars) réaffirmant la primauté du droit communautaire sur le droit législatif national
> Décision par le Conseil européen (6-7 juillet et 4-5 décembre) de la création du Système monétaire européen (SME)
 

1979

> Entrée en vigueur du SME (13 mars) qui prévoit pour chaque monnaie une plage limitée de fluctuation de valeur autour d’un taux rattaché à l’ECU, créé comme valeur de référence du SME
> Première élection du Parlement européen au suffrage universel direct (juin)
 

1981

> Élargissement à dix avec l’entrée de la Grèce
 

1982

> Un référendum organisé au Groenland donne une majorité en faveur du retrait de la Communauté, alors que le Groenland en est devenu membre en tant que partie du Danemark
 

1983

> Conseil européen de Stuttgart (17-19 juin): Déclaration solennelle sur l’Union européenne où les chefs d’État et de gouvernement se déclarent «Résolus à poursuivre l'œuvre entreprise sur la base des traités de Paris et de Rome et à créer une Europe unie», pour conclure par leur détermination «à parvenir à une conception politique commune, globale et cohérente, et réaffirmant leur volonté de transformer l'ensemble des relations entre leurs États en une union européenne»
 

1984

> Le Parlement européen adopte (14 février) un projet de «traité relatif à l’Union européenne» (rapport du député européen Spinnelli)
> Accord au niveau du Conseil sur les relations futures entre le Groenland et la Communauté
> Élection du Parlement européen (juin)
> Livre vert de la Commission sur l'établissement du marché commun des services et équipements de télécommunications (28 juin)
 

1985

> Livre blanc de la Commission sur l’achèvement du Grand Marché Intérieur (14 juin)
> Accords de Schengen (14 juin) entre la France, L’Allemagne, la Belgique, les Pays Bas et le Luxembourg portant sur la suppression progressive des frontières intérieures
> Conférence intergouvernementale (CIG) et Conseil européen de Luxembourg (2-3 décembre) pour un nouveau traité qui donnera l’Acte unique européen
 



 

 

 

Acte Unique

 

1986

> Élargissement (1er janvier) à douze des Communautés européennes avec les adhésions de l’Espagne et du Portugal
> Signature de l’Acte unique européen (28 février), modifiant le traité de Rome, conduisant à: la mise en place, à partir de l’adoption de 300 propositions du Livre blanc de 1985, du Grand Marché Intérieur au 31 décembre 1992 (libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et services) ; l’institution du Conseil européen ; extension du champ du vote à la majorité qualifiée ; la procédure de coopération et extension du champ de la procédure d’avis conforme associant le Parlement européen ; la coopération en matière de politique étrangère.
> Arrêt de la CJCE (30 avril) dit Nouvelles frontières, décrétant que les règles des traités en matière de concurrence s’appliquent aux transports aériens
> Lancement du cycle de négociations commerciales du GATT dit Uruguay Round (15-20 septembre)
 

1987

> Entrée en vigueur de l’Acte Unique Européen (1er juillet)
 

1989

> Élection du Parlement européen (juin)
> Chute du mur de Berlin (novembre)
> Le Conseil européen de Strasbourg (8-9 décembre) décide la convocation d’une CIG avant la fin 1990, pour modifier les traités afin de mettre œuvre l’UEM et adopte à onze pays (le Royaume Uni s’abstenant) la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs
 

1990

> Conseil européen à Rome (14-15 décembre): lancement de deux CIG, l’une sur l’UEM, l’autre sur l’Union politique
 

1991

> Arrêt Stoeckel (25 juillet) de la Cour de justice des Communautés européennes considérant que les dispositions de la législation française interdisant le travail de nuit des femmes dans le secteur de l'industrie sont contraires au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi
> Accord au niveau du Conseil entre la CEE et l'AELE sur la création de l'Espace économique européen (EEE)
> Accord du Conseil européen à Maastricht (9-10 décembre) sur les modifications des traités
 



 

 

 

Traité de Maastricht

 

1992

> Signature du «Traité sur l’Union européenne» ou Traité de Maastricht (7 février)
> Refus par référendum (2 juin) de ratifier le traité sur l'Union européenne par le Danemark
> Référendum en France (20 septembre) en faveur de la ratification du traité sur l'Union européenne
> Livre blanc de la Commission sur le développement futur de la politique commune des transports (2 décembre)
> Des dérogations spéciales sont accordées au Danemark par le Conseil européen, réuni à Édimbourg, Royaume-Uni (11-12 décembre) pour lui permettre de procéder à un second référendum sur la ratification du traité
 

1993

> Entrée en vigueur du Marché unique européen (1er janvier)
> Nouveau référendum (18 mai) au Danemark approuvant la ratification du Traité de Maastricht
> Entrée en vigueur (1er novembre) au terme de la procédure de ratification par l’ensemble des États du Traité de Maastricht
 

1994

> Entrée en vigueur (1er janvier) de l’accord créant l’EEE (Espace Économique Européen)
> Signature (15 avril) par les États de l’acte final des négociations du cycle de l'Uruguay (dans le cadre de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce - GATT) à Marrakech, au Maroc, ouvrant la voie à la plus vaste libéralisation de l'histoire du commerce mondial
> Élection du Parlement européen (juin)
> Signature des actes d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande, de la Norvège et de la Suède (24-25 juin)
> Livre blanc de la Commission sur la politique sociale européenne (27 septembre)
> Rejet, par référendum, l'adhésion de la Norvège à l'Union européenne (28 novembre)
 

1995

> L’OMC succède au GATT (1er janvier) suite aux accords de Marrakech
> Élargissement à quinze avec l’entrée en vigueur de l’adhésion de l’Autriche, Finlande et Suède) (1er janvier)
> Deuxième partie du livre vert de la Commission sur la libéralisation de l'infrastructure des télécommunications et des réseaux de télévision câblée (25 janvier)
> Livre vert de la Commission sur le réseau des citoyens (transports urbains) (29 novembre)
> Livre blanc de la Commission: «Une politique de l'énergie pour l'Union européenne» (13 décembre)
> Conseil européen (15-16 décembre confirme l'introduction de la monnaie unique ("euro") pour le 1er janvier 1999
 

1996

> Livre blanc de la Commission sur la gestion du trafic aérien (6 mars)
> Ouverture de la conférence intergouvernementale (29 mars) pour la révision du traité sur l'Union européenne
> Livre vert de la Commission sur les services financiers (22 mai)
> Livre blanc de la Commission sur une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires (30 juillet)
> Livre vert de la Commission: " Éducation, formation, recherche: les obstacles à la mobilité transnationale " (2 octobre)
> Arrêt de la CJCE dit Dillenkofer (8 octobre) déclarant qu'un État membre en ne transposant pas une directive dans le délai fixé est tenu de verser une compensation à un particulier lésé
> Livre vert de la Commission: " Les marchés publics dans l'Union européenne - Pistes de réflexion pour l'avenir» (27 novembre)
> Adoption d’un «pacte de stabilité et de croissance» au Conseil européen de Dublin (13-14 décembre)
 



 

 

 

Traité d’Amsterdam

 

1997

> Livre vert de la Commission sur la politique de concurrence communautaire et les restrictions verticales (22 janvier)
> Accord OMC sur les télécommunications de base
> Livre vert de la Commission: «Partenariat pour une nouvelle organisation du travail» (16 avril)
> Conseil européen à Amsterdam (16-17 juin): signature du projet de traité
> Accord OMC sur les services financiers
 

1998

> Conseil européen extraordinaire (3 mai): 11 États membres remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption de la monnaie unique au 1er janvier 1999
> Adoption (26 mai) par les gouvernements des États membres de la monnaie unique et nomination du président et des membres du directoire de la Banque centrale européenne (établie le 1er juin)
 

1999

> Démission collective de la Commission après un rapport concluant à des allégations de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme à la Commission (15 mars)
> Livre blanc de la Commission sur la modernisation des règles d'application des articles 85 et 86 du traité CE (politique de la concurrence) (28 avril)
> Entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam (1er mai)
> Échec de la conférence pour un nouveau cycle d’accords de libéralisation des échanges de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à Seattle (2 décembre)
 

2000

> Conseil européen spécial à Lisbonne (23-24 mars) portant sur une nouvelle stratégie de l'Union visant à renforcer l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale dans une économie fondée sur la connaissance
> Référendum au Danemark (28 septembre) pour l’adhésion à l’Euro: le Non l’emporte
> Conseil européen à Nice (7-9 décembre): la CIG adopte un accord sur le Traité de Nice ; proclamation conjointe de la Charte des droits fondamentaux, par le Conseil de l'Union européenne, le Parlement européen et la Commission
 



 

 

 

Traité de Nice

 

2001

> Entrée de la Grèce dans l’Euro
> Signature du Traité de Nice (26 février)
> Vote contre la ratification du Traité de Nice en Irlande lors d’un référendum (7 juin)
> Livre blanc de la Commission sur la politique européenne des transports (12 septembre)
> Conseil européen à Laeken, en Belgique (14-15 décembre): déclaration sur l'avenir de l'Union en vue d’une réforme de l'Union et convocation d’une Convention afin de préparer la prochaine Conférence intergouvernementale
 

2002

> L'euro devient la seule monnaie ayant cours légal dans les douze États membres participants (28 février)
> Séance inaugurale de la Convention sur l'avenir de l'Europe à Bruxelles (28 février)
> Conseil européen de Barcelone (15-16 mars) consacré portant notamment sur les questions économique, sociale (dont l’objectif d’ici à 2010 d’augmenter d’environ cinq ans l’âge moyen de cessation d’activité professionnelle) et environnemental
> Expiration (23 juillet) du Traité établissant la CECA (au terme de ses 50 ans)
> Deuxième référendum, cette fois favorable à la ratification du Traité de Nice en Irlande (19 octobre)
> Série de sommets bilatéraux entre l’UE d’une part et Canada, Amérique Latine et Caraïbes, Mexique, Russie, Ukraine, Japon, Chine, Inde, Russie
 

2003

> Entrée en vigueur du Traité de Nice (1er février)
> Conseil européen à Thessalonique (20-21 juin) au cours duquel est remis le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, issu de la Convention présidée par le Président Valery Giscard d’Estaing
> Référendum négatif sur l’adhésion de la Suède à l’Euro (14 septembre)
> Échec de la Conférence OMC à Cancun sur l'investissement, la concurrence, la transparence des marchés publics et la facilitation des échanges (14 septembre)
> Échec de la Conférence Intergouvernementale (CIG) à Bruxelles (12-13 décembre) pour «atteindre un accord global sur le projet de traité constitutionnel à ce stade». L’échec porte notamment sur la question de «double majorité» (processus prévoyant que les décisions doivent recueillir l'approbation de la moitié des États membres recueillant 60 % de la population)
 



 

 

 

Projet de Traité établissant une Constitution

 

2004

> Livre vert de la Commission sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions (30 avril)
> Élargissement à vingt cinq de l’Union européenne avec 10 nouveaux pays - Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie
> Livre vert de la Commission sur l’égalité et la non-discrimination dans une Union européenne élargie (1er juin)
> Conférence intergouvernementale à Bruxelles (18 juin): accord sur le projet de «traité établissant une Constitution pour l’Europe»
> Annonce d’un référendum en France pour la ratification du projet de traité par le Président de la République (14 juillet)
> Conseil européen à Rome (29 octobre): signature officielle du projet de traité